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Danièle Godard Livet

De Jeanne à P2, souvenirs d'attentes


P2, c'est le parking du terminal 2 à Satolas (devenu St Exupéry). L'avion pour Nantes décolle à 6h 50. Prendre un ticket, trouver une place, retenir le numéro, s'enregistrer, passer les contrôles (sortir l'ordinateur, l'ouvrir, quitter le manteau, l'écharpe, parfois les chaussures, se rhabiller et ranger l'ordinateur), attendre, tout est fermé, café machine si on a le courage, embarquer, avion plein, beaucoup d'hommes, peu de femmes, des suisses allemands souvent, mettre son téléphone en mode avion, s'attacher, avoir un café et un croissant, pas le temps de lire, descendre, trouver un taxi, passer devant la corbeautière où les corbeaux croassent dans les grands arbres, puis le grand pont de Nantes, splendide mais engorgé, arriver, commencer la réunion. Refaire la même chose le soir.

Attendre sur le quai le TGV de 7h00 pour Paris, qui vient de St Etienne ; rame double, voitures 1à 8 et 11 à 16, quai bondé ; rames inversées parfois qui créent un gros remue-ménage, petite anicroche dans le rituel immuable ; avant il a fallu trouver une place dans le parking souterrain qui affiche complet à partir de 6h30, souvent à – 4 quand il n'est pas fermé, mots de Joyce au niveau -1 devant lesquels on passe sans les lire ; un livre acheté chez Relay, un café-croissant (bons, pas comme dans l'avion), train complet, appels discrets aux enfants qui se lèvent qu'on a parfois pas vus le soir en rentrant trop tard, ordinateurs allumés jusqu'à Paris. 9H00, prendre la ligne 14 jusqu'à Invalides. Lu la moitié du livre, l'autre moitié qui attend donne du courage pour la journée. Pensée du retour le soir même ou le lendemain.

Semaines rythmées pendant quinze ans par ces départs au petit matin qui creusent des traces profondes dans la mémoire kinesthésique. Se tromper aujourd'hui dans le hall de la gare de la Part Dieu ou en allant à P2, car d'infimes changements accumulés au fil des années ont changé les échoppes et les circuits.

Souvenirs d'attentes auprès de la statue de Jeanne d'Arc en bergère (oui Jeanne, la pucelle pas la sainte, dans le lycée public de jeunes filles de Clermont-Ferrand) dans le hall d'apparat du grand lycée qui ne servait plus qu'à l'attente des parents pour les élèves internes les jeudis et samedis, grand vide à l'exception du concierge dans sa loge ; parfois les parents ne venaient pas et il fallait se mettre en rang pour la promenade dans les vergers de Romagnat ou le jardin Lecoq ; une ou deux fois peut-être (sur une centaine d'attentes), rappelée et sortie du rang. Ne pas trop y penser.

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