Ce qui frappe d'abord chez Philippe Calandre, c'est son attachement à la photo traditionnelle, à la pellicule, au développement en laboratoire, au noir et blanc, au grain, aux dégradés de gris, aux jeux de lumières. Il prend toujours ses clichés (aux lumières du matin, de midi et du soir) avec les appareils de ses débuts et n'est jamais "passé" au numérique. Et pourtant ses images parlent de son imaginaire bien plus que du réel. Elles nous font voyager dans des paysages aussi familiers que déroutants dont on ne sait s'ils évoquent un passé révolu ou un futur inquiétant.
Philippe Calandre évoque sa filiation avec les Becher (Bernt et Hilla becher, couple de photographes allemands qui depuis les années 50 photographient des bâtiments industriels comme des puits de mine, des châteaux d’eau, des usines ou des silos à grains), je pense tout autant à Hubert Robert qui peint des vues imaginaires de la grande galerie du Louvre telle qu'il la rêve, en activité mais aussi en ruines.
Nul doute que Philippe Calandre s'inspire des peintres pour utiliser Photoshop. "C'est très facile, apprenez à dessiner, regardez les peintres dans les musées, maitrisez les sources de lumières et avec quelques calques, vous saurez !" répond-t-il à ma question naïve de savoir comment il s'est formé à Photoshop.
J'aime ce nouvel espace qui s'ouvre à la photographie où il ne s'agit plus de documenter le réel mais de rêver et d'imaginer à partir du réel. La fausse querelle (1) entre photographie et autres créations optiques serait-elle enfin dépassée et les montages photographiques sortiraient-ils enfin de la clandestinité ?
Deux représentations de la grande galerie du Louvre par Hubert Robert : imaginé dès le règne de Louis XVI, le futur musée du Louvre devient réalité sous la Révolution. Il ouvre en 1793 sous le nom de « Museum central des Arts ». Dès 1778, on consulte Hubert Robert en prévision des transformations architecturales qu’il convient d’apporter à la galerie (longue de plus de 400 m.) pour rendre accessibles au public les collections royales. Son parti est, essentiellement, de rythmer l’espace par des travées et de réaliser un éclairage zénithal (qui sera réalisé à partir de 1805 par Percier et Fontaine). En 1795, la responsabilité des tableaux lui est donnée. C’est à cette époque qu’il peint de nombreuses vues de la galerie, cherchant tant à appuyer la pertinence de ses choix qu’à montrer ses qualités de peintre. Deux tableaux (qui figurent au Salon de1796) représentent, l’un, une vision imaginaire de la Grande Galerie regorgeant de chefs-d’œuvre et animée de nombreux visiteurs et l’autre le même lieu projeté dans un lointain avenir rêvé, ruiné par le temps.
Philippe Calandre expose du 8 septembre au 10 novembre 2018 à la galerie vrais rêves (6 rue Dumenge à Lyon) et il faut vous y précipiter car les photos de Philippe Calandre sont aujourd'hui exposées dans les plus prestigieuses galeries et internationalement reconnues. Pour voir le site de l'artiste et ses autres expositions et en particulier la commande qui lui a été faite par la fondation Wilmotte
1)Pour en savoir plus sur les relations entre peinture et photographie, vous pouvez suivre les trois passionnantes conférences d'art d'histoire https://www.artdhistoire.com/conference-photographie-et-peinture. Beaucoup de peintres, y compris les plus critiques vis-à-vis de la photographie, s'en sont inspirés dès l'origine et avaient même des collections (parfois secrètes) de photographies.