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Danièle Godard-Livet

Départ pour Berlin


le marathonien partant pour Berlin

On était dimanche et il pleuvait. Elle partit assez tôt pour ne pas rater le 9 h 39, avec un vêtement de pluie à capuche. Pendant la nuit, elle s’était souvenu du livre de Maspéro Les passagers du Roissy-Express ; n’avait-il pas écrit également sur les aires de l’autoroute du soleil ? Lui ou un autre, elle avait toujours aimé les écrivains voyageurs, encore plus ceux qui parcouraient les trajets les plus balisés, inutile d’aller en Sibérie ou au Sri Lanka pour rencontrer l’aventure. Difficile d’être original aussi depuis Ulysse.

Puisqu’elle avait du temps, elle marcha jusqu’à l’arrêt Plambeau en suivant la piste cyclable qui s’étrécissait parfois tellement qu’elle dût emprunter le cheminement piétonnier que d’autres avaient dessiné au fil du temps. On était derrière les troncs des platanes et ça évitait les gerbes d’eau des voitures. À Plambeau, la piste cyclable disparaissait.

« Vous prenez le bus en photo ? », lui demanda le chauffeur lorsqu’elle monta. Il lui montra comment positionner sa carte pour acquitter le trajet et en retour elle lui expliqua le pourquoi des photos. Il l’avait vue à l’aller, il faisait le début de service jusqu’à 13 h, tous les allers-retours, puis un collègue prenait la suite. Le dimanche il n’y avait pas beaucoup de monde. Un barbu bavard monta à Limonest centre, il devait prendre le Rhône express, mais avant, le C6 pour se rendre à Part-Dieu et demandait des explications au chauffeur. Son avion de la veille avait été annulé (Easyjet l’avait appelé à 3 h du matin), il avait trouvé un vol sur Lufthansa, 80 euros plus cher, mais sans bagage, il avait mis quelques slips et des chaussettes dans son sac à dos et partait rejoindre sa copine à Berlin, après ils iraient faire du vélo au bord de la Baltique, elle était en vacances et logeait chez des amis musiciens à l’opéra de Berlin qui lui laissaient l’appartement ; à Saint-Petersbourg en début d’année, le vol aussi avait été retardé, on les avait logés dans un lundge à l’aéroport, son visa expiré ne lui permettait pas d’aller à Moscou ; pour les photos, il était d’accord, il avait fait une fois le marathon de New-York et avait retrouvé sa tête dans Le Progrès. Il la lui montra.

« Vous n’aviez pas de barbe.

- non, c’est en fonction des copines.

- j’avais été obligé d’appeler mon patron pour dire que je ne serai pas là le lundi.

- vous faites quoi ?

- Je vends des portails. »

C’était drôle un grand voyageur qui vendait des portails. Elle le lui dit.

La conversation continua entre le chauffeur et le marathonien (sur son fils qu’il aurait au mois d’août et emmènerait à Canet chez sa mère) pendant qu’elle tentait vainement de prendre une bonne photo. Pas assez de lumière, la priorité visage qui ne se déclenchait pas et le marathonien qui ne cessait de parler avec les mains. Au terminus à gare de Vaise, elle lui proposa de lui offrir un café, mais tout était fermé. Il n’avait d’ailleurs pas de temps à perdre s’il voulait avoir son avion à 12 h 40 à St Exupéry, mais il ne semblait pas pressé et elle réussit une photo presque correcte.

Elle avait 51 min à attendre pour le trajet de retour qu’elle passa à fouiner dans la gare. Elle apprit à recharger sa carte au distributeur et puis discuta avec un groupe de trentenaires qui se retrouvaient là pour aller faire une balade en forêt, un feu et un pique-nique. Ils étaient quatre et attendaient le cinquième. Ils faisaient ça de temps en temps, on était mieux dans les bois qu’enfermé à Lyon ou à Villeurbanne. Leurs sacs à dos étaient bien plus gros que celui du marathonien qui partait en vacances à Berlin. Le cinquième arriva de justesse. Comme prévu, c’était le même chauffeur. Il y avait un peu plus de monde qu’à l’aller. Elle resta au fond du bus à écouter les amateurs de forêt qui blaguaient sur le vol et la revente de trottinettes électriques. Ils descendirent à Belle-Croix. Elle remonta vers l’avant du bus pour parler avec le chauffeur, par correction et pour en savoir plus. Il ne faisait pas toujours cette ligne. Rester sur la même ligne, c'était bien, on connaissait les passagers, mais on devenait aussi moins attentif. Le terminus était à Limonest cimetière à cette heure-là et elle appela son mari pour qu’il vienne la chercher. Une autre passagère faisait du stop pour poursuivre son trajet, mais déclina l’invitation de monter avec eux et ne voulut pas non plus être prise en photo.


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