Joseph Bail est né en 1862 à Limonest. C'est un cousin des Bail de Lissieu, contemporain des enfants de Pierre Bail le foudrier, de Joseph Bail, le distillateur et de Virginie Bail épouse de l'instituteur communal Girard Marie Dumoulin. Comme eux, Joseph Bail est un arrière-petit-fils de jean Antoine Bail (1775-1860), le vigneron de Bois Dieu qui avait acheté à Durozier d'une partie du vieux château de Lissieu.
Au cimetière de Lissieu, on peut voir pas moins de cinq tombes où figurent les noms des Bail, mais pas celle de Joseph Bail. Des tableaux de Joseph Bail sont exposés aux musée des Beaux arts de Lyon, mais aussi de Boston, Montréal ou Rio de Janeiro.
Rares sont ses tableaux qui montrent la vie des paysans. Pourtant l'image qu'il donne de cette cour de ferme, comme celle d'un intérieur de ferme laisse à penser que l'agriculture a peu évolué au 19eme siècle après la révolution.
A la fin du 19e siècle, les rendements des grains sont toujours extraodinairement bas (comparé à ce que nous connaissons aujourd'hui). De l'avis commun des historiens,les rendements ne dépassaient pas six quintaux par hectare. A la révolution, avec un grain la terre en rendait quatre, il fallait en garder 1 pour les semences futures, il n'y en avait que trois pour manger. Les paysans ne cessaient de le rappeler aux autorités quand pendant la révolution sévissaient les réquisitions pour nourrir les villes et les armées comme pour empêcher les accapareurs de retenir les grains et faire flamber les prix.
Pourtant, pendant le 19eme siècle la population a doublé à Lissieu atteignant un pic (586 habitants) en 1876 avant la crise du philloxera. Et les conditions de vie des paysans se sont améliorées,
"Le logement et le vêtement se sont améliorés, mais surtout la nourriture.L'usage du pain de seigle a partout disparu; celui du vin s'est généralisé , au moins pendant les grands travaux, et la viande entre chaque jour de plus en plus dans la consommation. La viande porc est le pis-aller des ménages pauvres." (1)
Cependant le nombre d'animaux (fournisseurs d'engrais et de force de traction) est resté à peu près le même, entre les enquêtes révolutionnaires et les statistiques départementales en 1900. Les augmentations de la production n'ont pu venir que de l'augmentation des surfaces cultivées et de leur exploitation plus intensive :
à Lissieu, le défrichage des communaux partagés en 1791 (20ha) et le démembrement du domaine de la roue tout au long du 19eme siècle (107 ha), soit un accroissement d'un quart de la surface totale de la commune.
En effet la mécanisation est restée absente, ne dépassant pas le remplacement de la faucille par la faux et l'utilisation de la machine à battre les grains.
On peut supposer aussi que l'importation de fibres textiles a réduit les surfaces cultivées en chanvre et que le développement des industries du tissage a permis de fournir des revenus complémentaires à la ferme.
"Le cultivateur qui possède une ou deux parcelles de terre, ou bien en loue une ou deux autres, de façon à se créer un petit train de culture, ou bien demande un complément de travail à l'industrie du tissage. le nombre de métiers à tisser s'augmentant tous les jours dans les campagnes, il est clair que le nombre d'ouvriers travaillant ainsi alternativement pour eux et pour les autres ne peut que décroître."(1)
Si le niveau de vie moyen s'est accru, il est difficile de savoir comment les plus pauvres ont compensé la disparition des ressources communes que constituaient les parcours, la vaine pâture et le glanage avec la sanctuarisation du droit de propriété et le droit d'enclore son terrain promulgué par les révolutionnaires. Les délibérations municiplaes de la commune de Lissieu n'en disent rien. Le code rural de 1791 reste très prudent sur la suppression de ces droits anciens, Napoléon 1er n'arrivera pas à l'établissement d'un code rural effectif, il faudra attendre 1880 pour la première édition d'un code rural effectif.
L'enquête de 1866 mentionne aussi une augmentation des salaires et une moins grande docilité des ouvriers agricoles:
"Il est généralement admis que les salaires des ouvriers de la culture ont augmenté d'un tiers depuis quinze à vingt ans et de moitié si l'on prend une période de comparaison de 30 ans. Ainsi la jounrée qui était de 2F en 1850 est auourd'hui de 3F à 3F50. le gage d'un domestique à l'année était, à la même époque, de 250 à 300 F au maximum; il s'élèva aujourd'hui jusqu'à 400 F et même 450 F. Le salaire des femmes a subi la même progression. Le gage d'une servante qui était au maximumde 160 à 170 F, sélève aujourd'hui jusqu'à 250 F." (2)
"Tout le monde s'accorde à reconnaître que leurs relations avec ceux qui les emploient sont devenues moins faciles que parle passé, qu'ils sont plus exigeants dans leurs rapport avec les maîtres qui les emploient , moins soumis. Mais ne faut-il voir dans cette nouvelle attitude qu'uns sorte d'abaissement moral ? Ou bien est-ce l'indice d'une situation nouvellement faite aux ouvriers par les circonstances économiques ?
Le plus grand nombre des déposants dans l'enquête regarde la nouvelle attitude des ouvriers agricoles comme funeste à l'agriculture, et comme l'effet de la démoralisation par les mauvaises lectures, les cabarets et le socialisme. La commission départementale d'enquête l'attribue elle -même "au développement de l'idée démocratique qui pénètre dans les campagnes, et qui, comme toutes les choses nouvelles, dépasse souvent la juste mesure".(1)
Pour finir, laissons la place à un autre peintre, un mien lointain cousin qui a peint ausi l'agriculture de la région : Théodore Lévigne.
Théodore Lévigne (1848-1912) né à Noirétable est enterré à St Romain . Beaucoup moins côté que Joseph Bail, on peut voir quelques uns de ses tableaux au Musée Dini de Villefranche.
(1) Toutes les phrases en italique sont tirées de l'enquête agricole de 1866 pour le département du Rhône https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6210307w/f13.item.Face à la chute du prix des céréales et au mécontentement paysan qui en résulte, Napoléon III décide, le 22 janvier 1866, d'organiser une vaste enquête agricole afin de satisfaire l'opinion publique.Pour mener à bien cette vaste enquête, des commissions départementales de notables sont aussitôt formées par les préfets. En principe, tout un chacun peut venir s'exprimer oralement devant ces assemblées.
(2) les salaires des gardes champêtres et des instituteurs, premiers salariés communaux pendant le 19eme siècle ne dépasseront pas ces niveaux entre 150 et 200 F
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