Hier soir, c'était la soirée de vote pour les cinq livres du Prix Summer, prix du livre de Bron. Un peu plus d'une vingtaine de lectrices, aucun lecteur (à l'exception du responsable de la bibliothèque). Les plus jeunes (petite quarantaine) sont en minorité, mais pas absentes. Répartition en petits groupes par affinité pour le livre préféré pour élaborer l'argumentaire de défense, avant le débat contradictoire. J'aime ces panels de lectrices qui ne lisent ni toutes comme moi, ni comme les éditeurs, ni comme les jurés des prix littéraires, ni comme les critiques littéraires. On y débat de choses profondes, ce n’est pas si souvent.
On commence par Blizzard publié aux éditions de L’Olivier, court roman de Marie Vintgras qui a séduit par son ambiance, la simplicité de sa construction en chapitres courts, les points de vue différents des personnages sur le même événement, le suspens et le côté série télévisée où les protagonistes cachent plus de choses qu’il n’y paraît.
On continue par Femme du ciel et des tempêtes publié aux éditions Actes Sud. Un gros roman de Wilfried N’Sondé qui plaît par sa belle écriture, l’ambiance poétique, l’actualité des sujets soulevés (la défense de l’environnement contre les accapareurs capitalistes, l’ambiguïté des scientifiques). Un poil caricaturaux les personnages ? La beauté de la personnalité du Chamane a tout emporté.
Ces deux auteurs dont les livres n’ont encore été primés nulle part sont venus à la rencontre de leurs lectrices (et lecteur) et plusieurs les ont vus et ont pu leur poser des questions. Blizzard est parmi les dix meilleurs ventes de premier roman et l'autrice a été l'invitée de la Grande Librairie.
On passe au Voyant d’Étampes publié aux éditions de l’Observatoire, le roman n’a pas encore été lu par plusieurs lectrices. Trop long, trop documenté, pas vraiment tentant. Qu’est-ce qui plaît ? Voir un universitaire allant d’échec en échec, parler d’une question actuelle : l’appropriation culturelle… mais qui semble assez loin des questions que l’on se pose ici et maintenant à Lissieu et Limonest. Abel Quentin l’auteur est prix de Flore 2021.
La parole est aux supportrices de Feu publié aux éditions Fayard. Le roman de Maria Pourchet est de loin le plus clivant. Adoré par certaines autant que détesté par d’autres. Une histoire d’amour improbable qui enflamme ou laisse froid, une écriture détestée ou adorée : la narratrice qui parle d' elle-même au "tu", les phrases nominales, l’absence de conjonctions de coordination, de subordination, et de relatives, des mots, des mots, les uns à côté des autres dit une lectrice.
"une plume clinique, plutôt froide, mais surtout concise. Ses phrases, d’une structure généralement très simple, sont brutales, et cette économie d’écriture donne aux mots une densité qui les rend d’autant plus percutants".
dit le critique Santiago Artozqui . Allez, je vous donne un exemple du style de Maria Pourchet :
On termine par Ne t’arrête pas de courir publié aux éditions de l’iconoclaste. Ce qui plaît : une histoire vraie, pudique, complexe aussi dans le face à face respectueux de deux personnes, l’univers du sport et de la prison, le mystère de destinées au-delà du déterminisme social. Ce qui déplaît : journalistique (Mathieu Palain est journaliste), répétitif (Toumany Coulibaly est addict aux petits braquages). Prix du roman interallié, prix des étudiants France-Culture -Télérama
Les résultats définitifs ne seront connus que le 11 mars.
Qu'est-ce que j'en retiens : l'extrême sensibilité à une langue plutôt classique et à l'ambiance d'un roman, le partage des avis entre l'histoire vraie et les personnages authentiques d'une part, les archétypes et les personnages caricaturaux qui ne gênent pas si l'histoire touche d'autre part, l'importance pour un roman de résonner chez la lectrice avec une préoccupation personnelle ; la culpabilité des mères, le besoin de briser les codes des femmes parmi celles qui ont été citées. Les femmes n'ont pas fini de lire des romans !
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