Lissieu, étape sur la voie romaine dite voie de l'océan ?
- Danièle Godard-Livet
- 22 avr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 avr.

La découverte récente dans le cimetière de Loyasse d'une monumentale voie romaine dite voie de l'océan qui conduisait de Lyon à Boulogne-sur-mer est un évènement qui donne une conclusion remarquable à des années de recherches et d'hypothèses . J'ai malheureusement râté les deux visites organisées en avril avant le réenfouissement des vestiges.
Des vestiges avaient déjà été découverts à Vaise. Le tracé le plus probable de cette voie romaine descendant de la colline de Fourvière où se situait la cité antique suit l'actuelle rue de Bourgogne et remonte sur la colline de la Duchère par l'actuelle avenue du 25eme régiment des tirailleurs sénégalais puis continue vers le nord en suivant le tracé de la route royale n°6 du 18eme siècle dite route de Paris à Lyon par la Bourgogne de l'atlas de Trudaine*.
La voie de l'Océan passait-elle à Lissieu ? On ne le sait pas avec certitude et aucune fouille archéologique n'a été entreprise contrairement à d'autres étapes de cet itinéraire désormais confirmées bien documentées.
Au nord de Lyon dans les textes anciens** , trois étapes sont citées entre les deux villes de Lyon et Mâcon distantes de 30 lieues gauloises (67 kilomètres) : Asa Paulini (Anse), Ludna (St Georges de Reneins) et Lunna (St Jean d'Ardières Belleville-sur-saône). Les spécialistes considèrent que l’étape de Ludna est à moins de six heures de marche au pas militaire allongé depuis Lugdunum comme depuis Matisco (Mâcon); celle d’Anse est, depuis Lyon, à environ quatre heures de marche dans les mêmes conditions. Mais un chariot tiré par des bœufs mettra, à 2,5 km/h environ, une journée pour arriver de Lyon à Anse, et aura besoin d’une seconde journée pour atteindre Ludna.
Faisait-on étape à Lissieu pour manger, dormir, changer d'équipages ? La voie de l'Océan empruntait-elle depuis Lyon la côte de Limonest pour ensuite suivre la plaine des Chères jusqu'à Anse ? Ou bien suivait-elle depuis Anse le cours de l'Azergues jusqu'à Chazay d'Azergues où elle traversait la rivière comme en font l'hypothèse certains chercheurs :
Au-delà [de Anse] vers Lyon, les témoins de la voie sont rares jusqu’à Vaise où elle a été observée en fouille (Frascone 1999 : 21-36). On a supposé qu’au sortir de l’enceinte d’Anse, la voie majeure traversait la plaine des Chères. L’analyse du réseau et du parcellaire à travers la documentation cartographique permet sans doute d’identifier comme le plus ancien, le chemin allant du pont d’Anse en direction du lieu-dit Le Grand Champ, sur lequel s’appuie la limite entre les communes d’Anse et d’Ambérieux-d’Azergues ; mais la réflexion ne peut remonter dans le temps au-delà du XVIIe siècle, et il n’est pas acquis que ce chemin reprenne une voie antique. Peut-être, au contraire, passant au nord-ouest de l’enceinte, la voie remontait-elle la vallée de l’Azergues pour franchir cette rivière vers Chazay-d’Azergues (Faure-Brac 2006 : 77). Un tronçon de la voie aurait été retrouve lors des travaux de construction de l’échangeur de Dardilly (rens. R. Tenu).
source : Ludna et Asa Paulini, Deux étapes antiques du Val de Saône sur la route de Lyon Sous la direction de Jean-Claude Béal, Catherine Coquidé et Richard Tenu
Sans fouilles archéologiques, comment savoir où passait exactement la voie de l'Océan ? Les restes du premier siècle de notre ère ne se laissent pas facilemment deviner : au cimetière de Loyasse, c'est à plus de 5 mètres de profondeur qu'ont été faites les découvertes et qui aurait pu deviner Ludna sur une carte actuelle ?

Deux milles ans après, on ne voit plus grand chose en surface. Faut-il alors se fier au travail d'un érudit du 19eme siècle faisant l'hypothèse que les voies médiévales auraient repris les voies antiques et que pour en connaître l'itinéraire, il n'était pas inutile de suivre des "hopitaux médiévaux" ?
Au moyen-âge ce même tracé était jalonné par les hôpitaux de Limonest ou de Plambost, entre Limonest et Lissieu, de l'Iserable, d'Anse, de Villefranche, de Saint-Georges-de-Reneins et de Belleville. À la même époque, en de certains tronçons, il était appelé tantôt : Iter, iter vetus, via, via vetus, strata publica, iter publicum, iter Lugduni, iter antiqum, via publica, magnum iter, magnum iter publicum, magnum iter tendens de Lugduno apud Franciam, tantôt : iter vetus Matisconense, iter ferratum, magnum iter ferratum Matisconense, magnum ferratum Villefranche.
source : Les voies antiques du Lyonnais, du Forez, du Beaujolais, de la Bresse, de la Dombes, du Bugey et de partie du Dauphiné déterminées par les hôpitaux du moyen-âge par M.-C. Guigue (1877)
Lissieu, simple lieu de villégiature ? Lissieu n'existait pas en tant qu'agglomération à l'époque de la construction de la voie de l'Océan. Etait-ce même une étape entre Lyon et Mâcon mansio, mutatio, praetorium, taberna, stabulum, hospitium, selon les nombreux substantifs latins désignant les haltes pour manger, dormir, changer d'attelage ? Nous ne la savons pas.
Mais la création de la route mettait LIssieu à quelques heures de Lugdunum, et en faisait un lieu de villégiature, non pas une ville comme à Ludna mais un lieu d’ habitats isolés, pour quelques gros propriétaires. La villa de Lucinius à Lissieu n'avait sans doute pas le luxe ostentatoire des villas de la Grange du Bief et de Bancillon à Anse. Sait-on d'ailleurs où elle se trouvait ? Sur les lieux occupés par le château de Montluzin*** ?
Où faudrait-il chercher si l'on envisageait des fouilles ? A Plambeau, sur le site de la villa de Burziaco, à Monfort, sur les traces de l'ermitage, à Montluzin ?
L'existence de Plambeau**** est attestée depuis le 13 eme siècle. Bien plus tard au 18eme siècle, on sait que des auberges et des relais ont existé à Montfort, à la Préférence (croisement D42, chemin de la Buchette) et à Montluzin (croisement D42, chemin de Montluzin). De cette auberge de Montluzin, les dernières traces viennent de disparaitre avec la réfection du crépi de la façade de l'auberge Mitton. Il y eut même un ermitage et une chapelle consacrée entre Montfort et Montluzin : Notre Dame des combes de 1704 à la Révolution et sa chapelle saint Antoine.
Un musée est en projet à St Georges de Reneins pour mettre en valeur les importantes découvertes faites à Ludna, bourgade développée dès l’époque augustéenne, remarquable par l’ampleur des travaux d’aménagement public et la présence de structures de stockage.
Et si vous voulez vous familiariser avec les étapes sur les voies romaines (et relire un peu de latin), pourquoi ne pas jouer avec le site omnesviae.org du chercheur René Voorburg qui vous permet de calculer votre temps de voyage dans tout l'empire romain ?

*Le tracé ancien de la route de Paris à Lyon par la Bourgogne entre Limonest et Lissieu correspond aujourd'hui à la D42, la D 306 ouverte en 1848 évitant la côte de Limonest.
**La table de Peutinger, en latin Tabula Peutingeriana ou Peutingeriana Tabula Itineraria, aussi appelée carte des étapes de Castorius ou Table théodosienne, est une copie de la fin du XIIe siècle d'une carte romaine sur laquelle figurent les villes principales de l'Empire romain et les routes du cursus publicus[1].
L’Itinéraire d’Antonin ou Itinéraire Antonin ou Itinerarium Antonini (du latin : Itinerarium Provinciarum Antonini Augusti) est un guide de voyage de la Rome antique qui recense et décrit 255 voies, stations et itinéraires le long des principales voies romaines à travers l’Empire romain ainsi que les distances qui les séparent.
Datant de la fin du IIIe siècle voire du milieu du IVe siècle, il nous est connu par vingt manuscrits qui vont du VIIe au XVe siècle.
***Vers 990, un lyonnais fait donation aux moines de l'Abbaye d'Ainay d'une " vigne que l'on appelle Mons Lysinii ". Au XVIe siècle, le baron de Vaux, François Platel, possédait Mont-Luzin. Au fil des siècles les propriétaires se sont succédés. Le lieutenant général d'artillerie Pierre de Brosses constitue le domaine en 1664, et reconstruit le château dont l'ample façade régulière, cantonnée de pavillons carrés, surplombe la plaine, depuis une terrasse formant un bastion demi-circulaire. Le domaine à été légué par Sabine Lacour, une des trois soeurs Lacour, dons la famille était propriétaire durant trois génération a la congrégation de Nevers en 1868. Le 1er août 1994, les soeurs de Nevers se retirent dans leurs maison mère et elle cèdent Mont-Luzin aux moines et moniales de la famille de Saint Joseph.
****Plambost, commune de Lissieu, canton de Limonest (Rhône). Cet hôpital, dont il ne reste pas d'autre trace que le nom appliqué à un lieu-dit, est appelé dans quelques documents l'hôpital de Limonest, à cause de sa proximité de cette petite ville. Il existait déjà au commencement du XIIIe siècle. L'archevêque de Lyon, Renaud de Forez, lui fit un legs en 1226 . D'autres lui furent faits, en 1231 parle précenteur Uldric Palatin , en 1257, par Marie Syméon (130), en 1270, par Jean Bruillaz , en 1344, par Jeannette de Flachillères, en 1345, par Pierre Bordelin, notaire, en 1348, par Etienne Buatier, etc. En 1281, Aymard, archevêque de Lyon, donna cet hôpital avec ses dépendances aux Chartreux de Sainte-Croix-en-Jarez, lesquels l'accensèrent, en 1436, à Bertrand Payen, notaire à Lyon, dont le fils, Grégoire le vendit, en 1450, à Monin Boysseris, charpentier à Lissieu. Ce dernier céda ses droits, le 20 juillet 1487, à la charge toujours de conserver à la maison son caractère hospitalier, aux Célestins de Lyon, qui en obtinrent la remise en forme des Chartreux, en 1497, et le conservèrent depuis, mais réduit à l'état de simple domaine, jusqu'au 11 août 1723, qu'ils l'aliénèrent moyennant 35,000 livres à la famille Riverieulx de Varax.
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