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  • Des femmes modernes en rupture avec le passé

Des femmes modernes en rupture avec le passé


Depuis deux mois, j'ai gardé un long silence provoqué par la plongée dans l'écriture à deux mains d'une histoire de vie passionnante. Tout a commencé avec la publication de l'histoire de mes ancêtres savoyards bit.ly/1Ku9E2Y qui m'a permis de rencontrer le fils d'une cousine germaine de ma grand-mère maternelle, cousines toutes deux originaires du même village de La Bâthie .

Beaucoup de choses dans cette histoire de vie que vous pourrez bientôt lire en ligne, je l'espère : l'émigration des paysans savoyards pauvres vers Paris pour des emplois de domestiques ou de garçon de magasin, les conséquences terribles de la grande guerre et le lourd tribut payé par les plus pauvres et les moins instruits mobilisés aux postes de première ligne et une belle succession de femmes courageuses et déterminées dont la vie ne fut jamais facile :

  • Julie (1853-1932), l'arrière grand-mère maternelle, veuve à 50 ans avec 4 enfants à charge (elle en avait perdu trois en bas âge) qui a su laisser partir ses enfants (ou n'a pas pu faire autrement) en leur donnant tôt leur modeste héritage en échange d'un maintien dans sa maison et d'une petite pension.

  • Joséphine (1890-1966), la grand-mère maternelle, qui perdit son mari en 1916, mort pour la France devant Verdun et resta seule avec une fillette qui venait d'avoir un an. Joséphine se remariera plus tard, mais ce sera un mauvais mariage qui aboutira à un divorce.

  • Jeanne (1915-1964), enfin la petite fille orpheline de père qui épousa un fils de paysan breton, mais s'en sépara après vingt années d'effort pour sauver son couple et l'éducation de leur fils. Plus instruite que sa mère et que ses tantes grâce aux patrons parisiens de sa mère qui lui permirent de fréquenter le lycée Sophie Germain, elle échappa aux emplois de domestiques pour accéder à un statut d'employée de bureau.

Joséphine avait trois sœurs et un frère ; comme elle, comme leur père et leur mère, tous ont travaillé à Paris dès leurs 16 ans avant de choisir leur vie d'adulte : Marie la canadienne suivit son époux à Baie Shawinigan au Québec et resta auprès de ses filles mariées après la mort de son mari; Elisabeth resta célibataire et devint, à sa retraite, la servante du curé de La Bathie; Jeannette, la petite dernière, suivit un amoureux à Dinan où elle termina tragiquement sa vie à 33 ans. ; leur frère Alfred ne fut jamais un recours et termina sa vie célibataire auprès de sa mère, puis de sa soeur, au village.

  • A l'opposé de ces modernes savoyardes, Marie Anne (1887-1984), la grand-mère paternelle, la belle-mère de Jeanne, la rude paysanne bretonne femme de maquignon, mère de quatre garçons qui ne laissera personne échapper à son emprise dans la ferme de St Sauveur dans la montagne d'Arée puis dans celle de la Chapelle Viel dans le bocage normand.

Des vies de femme de la première moitié du XXeme siècle, contraintes par la nécessité et la grande guerre, mais aussi désireuses de gagner leur autonomie et de la conserver loin de leur village d'origine, des travaux des champs, de la tutelle d'un homme, qui aspiraient à la vie citadine et à ses commodités et durent parfois lutter contre leur mère ou belle-mère pour gagner leur liberté. Seules les solidarités villageoise (active même à Paris) et familiale adoucirent un peu ces destins. Des histoires de vie qui racontent l'exode rural, les conséquences de la grande guerre, l'émancipation de ces femmes très catholiques et pratiquantes et le prix de cette grande mutation de la première moitié du XXeme siècle.

Cette analyse abstraite rend mal compte de ce que furent ces vies sensibles faites de joies et de peines mais elle essaie de leur rendre une autre dimension en les inscrivant dans la « grande » histoire dont elles sont l' incarnation. Et puis ne boudons pas notre plaisir de vivants : écrire à deux mains est un immense plaisir, celui de la rencontre, de l'échange, des regards croisés et de la construction commune d'une modeste œuvre de mémoire et de lien.

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