Qui s'intéresse aux histoires de vie et aux histoires familiales se pose un jour ou l'autre la question de savoir si les traumatismes vécus par les ancêtres peuvent faire souffrir leurs descendants ?
On sait que nous héritons de nos parents (et avant eux de leurs propres parents) un matériel génétique qui détermine en partie de ce que nous sommes.
On a certes l'intuition que les grands drames vécus par les parents peuvent avoir un retentissement sur leurs enfants mais de là à tirer des conclusions vérifiées de notre génosociogramme (comme le définit Anne Ancelin Schützenberger), il reste un grand pas à franchir ! Bien sûr, on peut faire des hypothèses et je ne m'en prive pas dans ma propre généalogie, mais comment les vérifier ?
Deux études récentes m'ont pourtant frappée ébranlant quelques unes de mes certitudes scientifiques dans le tout génétique et de mes croyances optimistes dans la résilience :
- la première étude est celle de l'équipe de Isabelle Mansuy ( neurogénéticienne à l'université de Zürich et à l'école polytechnique fédérale de Zürich) qui montre sur des souris que l'épigénétique permet d'expliquer la transmission par les pères (via les gamêtes mâles) sur trois générations de comportements dépressifs...si le père a été violement stressé dans sa toute petite enfance
- la seconde est due à l'équipe de Nicolas Todd, chercheur de l'Hôpital du Kremlin-Bicêtre (Inserm) qui montre que les enfants de soldats morts pendant la grande guerre ont perdu entre 1,1 (si le père est mort après la naissance) et 2,2 années d'espérance de vie (si le père est mort pendant la grossesse) en comparaison des enfants nés à la même date et dont le père n'est pas mort
Ces études sont des pistes toutes nouvelles qui sont loin d'expliquer les mécanismes non-génétiques de la transmission entre les générations, mais elles sont particulièrement intéressantes pour les passionnés d'histoires familiales...et ils sont nombreux comme le montre le succès du livre d'Anne Ancelin Schützenberger !