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danièle Godard-Livet

De l'importance de balayer


Sirmione, lac de garde, centre du détersif

"Attention, tu vois bien que je balaie, ne marche pas dans mes balayures ?" Cette phrase comme la disait ma mère (et j'en ai un peu honte), et puis je prends la pelle et la balayette pour ramasser, en plusieurs fois s'il le faut, le petit tas rassemblé, parfois gros, parfois minuscule et décevant, tout le monde sait que j'aime mon balai, mes balais devrais-je dire, car j'en ai un pour l'intérieur et un pour l'extérieur, soigneusement choisis, (tous les balais ne se valent pas et de certains on peut même se demander par qui ils ont été conçus), je balaie après chaque repas et parfois plus souvent pour les poils du chien ou les fleurs fanées, sortir l'apirateur serait pénible et et bruyant, une fois par semaine suffit, le reste du temps je balaie; de Chine tu m'avais rapporté un balai et à ton père un cerf-volant, il paraît que les chinois balaient beaucoup, tout le temps, les routes, les trottoirs, les maisons, les magasins, un balai de paille de riz que j'ai toujours mais qui ne convient pas vraiment à mon usage, je balaie aussi la cour, feuilles amassées par le vent, pommes de pain, pétales de fleur, fruit de l'orme si nombreux, balayer la cour comme on balaie le dojo (à plusieurs, en ligne, lentement) jusqu'à ce que les graviers soient nets et égalisés, comme le moine zen qui va mourrir, je me demande toujours qui balaiera la cour après moi ; entendez-moi bien, je n'ai rien contre les aspirateurs (et même une certaine affection pour les robots-aspirateurs que j'aime voir travailler, comme les robots-tondeuses), je balaie comme on réfléchit, comme on marche, comme on médite, pour balayer ce qui n'a pas d'importance, je sais que les sorcières se déplacent sur des balais et s'envolent très loin, mais cela ne m'intéresse pas, je suis très terre à terre, pour les balais aussi.

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