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  • Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Abattage



On m'avait demandé un texte sur la chute. J'ai tout de suite pensé aux chênes de Lissieu et j'ai écrit en regardant cette vidéo


L'abattage


L’abattage, ça fait peur, je parle de l’arbre, je parle des gens aussi, de ceux qui coupent l’arbre. Ce n'est pas un travail facile. Ils ne sont pas tous français. Ils font les fiers, ils rigolent, ils vont vite, tronçonneuse en marche à bout de bras. Au début pas trop, les premières entailles, il y en a qui saignent. Au début, c’est surtout le bruit des moteurs. Au début c’est superficiel. Les casques, les protections sur les oreilles, la visière pas toujours baissée. Au début, c’est comme une danse. Ils sont agiles. Ils travaillent vite. La lame mord le bois, ils la maîtrisent comme je ferais d’un couteau. Ça dure quoi ? Quatre minutes à peine plus, même pour un très gros chêne. D’infimes instants, ils s’arrêtent à l’affût des craquements. Puis quand les entailles sont suffisamment profondes ils rentrent la lame au coeur du bois, longuement, profondément, en force. les coupeurs font signe au conducteur du tracteur. Le filin se tend, le tracteur tire, les coupeurs sautent de côté. Ça fait peur. La chute dure une seconde ou deux. Dans un énorme fracas de branches brisées. C’est fini.

Au sol ça prend une place folle, c’est immense. Le tronc n’occupait presque rien, mais les branches avaient poussé pour déployer l’ immense surface de leurs feuilles qui captaient la lumière. Il y en a partout, des grosses, des petites, brisées, tordues, violentées ou encore intactes. C’est peut-être le pire, cette architecture faite pour capter l’air et le soleil encore puissante désormais inutile et couchée. C’est fini, la grande carcasse est au sol. On dit d'ailleurs qu'on la démonte la grande architecture quand on travaille avec un peu de respect pour l'arbre. Ce n'est pas le cas quand on abat. On coupe déjà le beau du tronc, la grume puissante et rectiligne que l’engin emporte péniblement tellement c’est lourd. On laisse le reste par terre à pourrir, ça ne vaut pas la peine. Le tout a duré six minutes. C’est fini pour toujours. Les chênes abattus ne se relèvent pas, ni ne repoussent.



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