Le tour des régions naturelles qui m'ont formée ne serait pas complet sans Clermont-Ferrand et Vichy. Neuf ans passés à Clermont-Ferrand, interne dans le lycée public de jeunes filles. Les deux flêches noires de la cathédrale que l'on voit de loin adossées à la chaîne du Puy de Dôme en venant de la Limagne, c'est à peu près tout ce que je connais de la ville ! Un non-lieu pour moi, dans lequel je me perdrais si j'y revenais. Un non-lieu qui n'a pris forme et consistance qu'en voyant le film de Rohmer Ma nuit chez Maud, noir et blanc comme Clermont-Ferrand sous la neige, alors que j'en partais. Des noms me restent : place de Jaude, jardin Lecoq, Notre dame du port, cours Sablon...c'est à peu près tout. Il me faut regarder une carte pour comprendre que j'y arrivais par l'est et non par le sud. Aucun repère. Que faut-il pour connaître une ville ? Quand peut-on dire qu'on connaît une ville ?
Même chose pour Vichy, ville dans laquelle je suis incapable de me repérer. Vichy, c'était le deuxième pôle de mon adolescence, la ville des boutiques où l'on trouvait les marques à la mode. Vichy, la somptueuse, l'internationale, la condescendante, la vieillissante et la maudite. Puy-Guillaume et Chateldon (son chef-lieu de canton) sont à peine à vingt kilomètres de Vichy et même si j'étais trop jeune pour avoir connu la guerre, on parlait encore de Laval qui avait sauvé des fils de paysans du coin ou du père de mon amie, médecin déporté sur dénonciation, revenu et sans rancune. Avec sa fille et nos mères, on allait à Vichy et c'était bien pratique à l'étranger de pouvoir dire qu'on habitait près de Vichy. Tout le monde en avait entendu parler.
Vichy c'était le côté "jeunesse dorée" de mon adolescence ; Clermont-Ferrand, l'antidote parfaite aux dérives de la petite bourgeoisie de province. Deux villes que je ne connais pas, mais que l'atlas des régions naturelles me restitue totalement... sans peut-être les connaître plus que moi.
