Ce qui me préoccupe aujourd'hui, c'est l'installation d'un cercle vicieux de la défiance jusque dans les familles et les cercles d'amis.
Le 22 avril, Sébastien Roché* a écrit un bel article dans Terra Nova "confiance et consentement sont au coeur de la maîtrise du coronavirus". J'ai l'impression que nous sommes en train de prendre le chemin inverse, entre défiance et rébellion.
"Le risque existe qu’un cercle vicieux s’enclenche : le gouvernement réduit d’autant plus les libertés et sanctionne d’autant plus les manquements aux règles qu’il ne fait pas confiance aux citoyens, et, dans le même temps, plus la défiance dans le gouvernement croît dans la population, plus le pouvoir est tenté par une approche disciplinaire. Comment en sortir ?"
Les informations dissimulées, les injonctions contradictoires, les mesures incompréhensibles ou mal expliquées, la répression excessive, la forme distante, guerrière et hautaine de la communication gouvernementale ont fait croître la méfiance des citoyens qui avaient au départ globalement et massivement consenti aux restrictions imposées. S'y sont ajoutés la méconnaissance des efforts spontanément faits par une partie de la population qui continue à faire tourner le pays et la catégorisation de la population ou la stigmatisation de certaines catégories, comme si le gouvernement cherchait plus à diviser qu'à rassembler.
Aujourd'hui, chacun dans son groupe d'amis ou dans sa propre famille ne sait plus comment justifier les mesures qui lui semblent bonnes ou critiquer celles dont il lui semble raisonnable de douter (et par conséquent qu'il n'est pas grave d'enfreindre). Les groupes Facebook, les discussions sur Twitter, les comparaisons que chacun peut faire avec l'étranger, parlent plus fort que le silence et les hésitations des autorités, qu'elles soient nationales ou locales.
Il est urgent de placer la confiance où elle doit se trouver : au coeur des relations qui unissent une collectivité. Un Etat plus modeste, plus solidaire et plus local mais aussi qui respecte et mobilise les citoyens est seul susceptible d'impulser plus de confiance et de nous aider à réduire le choc que nous vivons et à en sortir durablement.
Mon mari et moi, pensons généralement la même chose (d'autant plus que c'est lui qui me fournit en partie en sources sérieuses et contradictoires d'information) mais nos tempéraments sont différents : lui préfère diffuser l'information brute, moi j'ai besoin de l'expliquer, de la faire partager. Chacun de nous, à son niveau de compétences et de caractère, a un rôle à jouer dans cette crise, ne serait-ce que de convaincre son entourage d'adhérer à la lutte commune. Mais encore faut-il pour cela avoir des messages clairs et convaincants à faire passer ! Et aujourd'hui ce n'est pas le cas, ni sur la reprise de l'école, ni sur StopCovid, ni sur les distances de déplacements....pour ne citer que celles-là.
* Sébastien Roché est un politologue français spécialisé en criminologie, docteur en sciences politiques, directeur de recherche au CNRS. Ses travaux portent essentiellement sur les questions de délinquance et d'insécurité, puis sur les politiques judiciaires et policières comparées ainsi que sur la gouvernance de la police et les réformes du secteur de la sécurité . Il est considéré comme l’un des sociologues les plus écoutés et influents sur les questions de police et sécurité. Il a été écarté en 2019 par l'École nationale supérieure de la police, où il intervenait en tant qu’enseignant depuis 1993, pour avoir critiqué la gestion du maintien de l’ordre pendant la crise des "gilets jaunes".
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