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Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Isolement - jour 46


instagram @amelie_viale et @mariedocher

Pas de doute, la couverture de survie inspire en ce moment, le masque aussi. Deux images trouvées sur Instagram cette semaine ! Quelles aspirations, quelles angoisses, quel humour inquiet se protègent ainsi sous la couverture...de survie

Une amie me propose de discuter au téléphone pour passer un moment sympa et je lui réponds que je suis un peu "tannée" de ces échanges téléphoniques, seul ou en groupes sur Whatsapp et sur Zoom et je préférerais un petit bulletin de l'association informant du vécu et des besoins des uns et des autres. Son message en réponse parle de sa difficulté à vivre le moment, de ses névralgies d'Arnold et de ses crises d'angoisse ; la sauvage que je suis, s'en trouve toute honteuse...sans avoir le courage de prendre son téléphone et répond par mail.

Je lis justement "La détresse et l'enchantement", l'autobiographie de Gabrielle Roy qui sait tellement bien faire revivre les moments de profonde détresse que l'on peut connaître dans une vie, moments fait de solitude, de soucis des autres, d'aspirations insatisfaites, de maladie, de représentations floues de ce que pourrait être un mode idéal, et de ce qu'on voudrait être soi-même.

Gabrielle Roy est une quasi inconnue en France, mais fait partie du patrimoine des Canadiens français et ses livres sont enseignés à l'école. Comme tous les grands écrivains, elle nous aide à comprendre le monde et les autres qui parfois nous ressemblent et parfois sont si différents de nous.

Grâce à elle, je comprends mieux ma fille qui vit à Montréal (ce dont je me réjouis, car c'est comme si j'y vivais un peu). Puisse mon amie, mieux comprendre ses enfants et petits enfants (qui vivent à Singapour et qui lui manquent tant). Puisse la fille adoptive y trouver une justification à son désir de devenir artiste. Ce post leur est dédié.

Comment au juste avait grandi et poussé ce projet de départ pour l'Europe, et pourquoi s'était-il emparé de moi jusqu'à me mener sans pitié, je serai encore en peine de le dire. Au fond, je n'en sais toujours pas grand chose, et alors, je suppose n'y comprenais vraiment rien. C'était, ce devait être un de ces appels mystérieux de la vie auxquels on obéit les yeux fermés, à moitié confiance, à moitié détresse. Je courais après quelque chose, mais quoi ! Mes petits écrits jusque-là valaient si peu. Aurais-je osé me réclamer d'eux pour annoncer que j'entendais me donner à la tâche d'écrire ? Non, je n'en convenais pas, même à mes propres yeux. Dans le fond de ma conscience, toutefois, je croyais parfois distinguer une vision de moi-même dans l'avenir où je me voyais, non pas devenue écrivain, mais m'efforçant, m'efforçant d'y parvenir. Et peut-être est-là une des visions les plus justes que j'ai jamais eues des choses. En ce qui me concerne aussi bien qu'en ce qui concerne tous.
La détresse et l'enchantement Boréal compact 3e édition1996 p211-212








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