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Danièle Godard-Livet

L comme Lettres


Les lettres des poilus de la grande guerre (période pendant laquelle des millions de lettres ont été échangées) nous apprennent beaucoup. On m'a confié cent cinquante lettres, amoureusement transcrites par le petit-fils dans le respect de l'orthographe de son aïeul, d'un cousin par alliance de ma grand-mère. Elles sont principalement écrites à sa femme (puis à sa fille née en févier 1915), entre août 1914 et février 1916, époque de sa disparition dans les premiers jours de la bataille de Verdun.

Les déplacements des troupes

En vérifiant les lieux indiqués dans les lettres avec le journal de marche de l'unité à laquelle il appartenait (groupe cycliste de la 8eme division de Cavalerie, cote 26N 489/8 ), j' ai appris les déplacements que l'on imposait aux troupes. Déplacements incessants et épuisants, en vélo, à pied ou en train, que j'ai retracés sur une carte du front.

Ces déplacements étaient sans doute en partie causés par les pertes considérables des unités et j'ai également reconstitué le tableau des pertes de l'unité au fil du temps qui croise bien les dires de Célestin à sa femme dans sa lettre du 2 septembre alors qu'il est enfin au repos après les très dures journées d'août 1915 dans les tranchées en champagne, à peine un peu plus d'un an après le début de la guerre.

"2 septembre (1915) : Bien chère femme adorée. A mon premier moment ces deux mots nous venont d’arriver après 2 jours et 3 nuits de marche ma plume ne vat pas. S’il est en ton pouvoir envoie moi un peu d’argent car je pense resté 15 jours au repos j’écrirais demain je suis bien fatigué nous avons perdu 157 hommes sur 400. Ton mari qui tembrasse. C. M."

Les entraînements en période de repos

Autre apprentissage à travers ces lettres : Beaucoup de choses aussi sur les entraînements harassants qui étaient le quotidien des troupes « au repos ». Du 15 mai au 15 juin 1915 Célestin est près d'Arras où se concentrent des troupes françaises et anglaises. Il a le temps de faire une bague pour sa femme dans une culasse d'obus, mais les entraînements sont constants.

"30 mai : de Vieil Hesdeins. Bien chère femme et enfant adorée. Aujourdhuis Dimanche grande marche il vat pleuvoir de l’eau chaude mais j’ai encore 22 sous pour acheté un litre pour prendre un peu de jarret car il en faut beaucoup par des chaleurs pareilles et une poussière. Nous somment sur la route depuis 10 minutes et je vous écrit ces deux mots en attendant, je crois que lon vat roulé jusqu'à 4 heures cet après midi et ensuite nous feront grande halte et nous reviendront cette nuit vers le matin. je pense que lon feras au moins 200 km sur la route de Dieppe. Je tenvoie encore ces deux cartes car sa m’ennuit de les déchirés et elle me gène dans les poches. J’espère toujours que ma bague te seras bien arrivé. Je n’est pas reçue la lettre de Dosité et point de réponse de Théodore. Je pense qu’il na pas reçue a tu aussi la carte de Paris - Plage nous allons encore y passé ce matin mais ce seras à peu près le quart de chemin. De fait tu parle de quelques coups de pédale à donné mon Dieu mon cu… Enfin on ne verra pas ces messieurs les boches avent quelques jours et il faut en profité pendant ces quelques jours que nous somment de réserve mais nous faisons beaucoup de chemin et sa fait soif. On fait un entrainement enragé, il ne passe pas une semaine sans avoir fait 100 km à pied et 600 en vélo ainsi tu vois que lon peut voir du pays, surtout du coté de la manche il y a de beau pays qui me rappel un peu le littoral. Voila 4 H moins un quart il faut terminé car on vat partir il faut que je graisse un peu et en avent. Ton mari qui vous envoient milles baisers et carresses C Maréchal dit tout pour cassé. Bonjour à toute la famille C.M."

On savait les terribles pertes, les conditions déplorables de vie dans les tranchées, la censure qui interdisait aux soldats d' écrire tout ce qu'ils voyaient et subissaient sous peine de voir leurs lettres arrêtées, mais j'ai été aussi surprise par la misère financière de ce soldat qui demande sans cesse de l'argent à sa famille pour améliorer l'ordinaire et s'équiper…. Et par la hausse vertigineuse des prix à l'arrière, où la pénurie profite à certains.

Les réponses de son épouse

Mais il me fallait autre chose pour raconter la courte de vie de ce héros : on voyait bien son caractère ouvert, soucieux des autres, capable de se raconter….face aux réponses beaucoup moins habiles de son épouse.

J'ai donc imaginé d'écrire les réponses de cette cousine de ma grand-mère qui a perdu trop vite son mari et le père de sa toute petite fille née en pleine guerre. J'ai recherché tous les parents qui étaient évoqués dans la correspondance, refait l'histoire du village pendant les années de guerre. Vous pouvez les lire ici :

Le beau livre "Le chagrin des vivants" d'Ana Hope est paru juste au moment où je tentais cet essai d'histoire subjective.

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