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  • Danièle Godard-Livet

Eugénie crée son emploi 5 (suite)


labour d'automne

Ce manque dont elle souffrait, Eugénie s’en ouvrit à la sophrologue dont elle suivait les cours (collectifs) chaque semaine. Elle ne pouvait plus s’en passer des petits signaux qu’elle recevait chaque jour qui lui disaient qu’on l’appréciait et qu’on suivait son expertise, mais en même temps elle doutait, elle n’avait plus d’idée neuve, elle était épuisée. La sophrologue lui conseilla la déconnexion et le retour aux sources. Eugénie souffrait du burn-out de l’influenceur. Au début, elle douta du diagnostic.

Retrouver les vraies valeurs, s’occuper d’Agathe, prendre des vacances... ce serait très tendance si elle l’expliquait à ses followers. Tous les influenceurs passaient par là et retrouvaient ensuite leur pleine créativité. Elle lui donna l’exemple de Casey Neistat qui avait expliqué sa déconnexion à grand renfort d’éloges de la vie de famille, de célébration de l’irremplaçable plaisir de voir grandir ses enfants, du panégyrique de l’abandon des grandes métropoles (il avait déménagé de New York à Los Angeles). Il y avait bien d’autres exemples, mais Émilie, la sophrologue, vouait un culte à Casey pour ses vidéos dynamiques (et tout en anglais)

Eugénie partit avec Agathe s’installer à St Cyr-le-Châtoux chez sa mère. La sophrologue lui conseilla également une cure d’hydroxydase, l’eau qui rend éternel (!), au rythme de 3 petites bouteilles de 20 cl par jour pendant trois semaines. Une eau à forte teneur en minéraux puisée à 100 m de profondeur dans le Puy-de-Dôme, sans aucun contact avec l’oxygène. Elle pouvait lui avoir des prix : les 10 flacons de 20 cl pour 12,90 €.

C’était l’automne, la mère d’Eugénie avait un chien, et les longues promenades à travers bois et prés plurent beaucoup à Eugénie qui postait de temps en temps quelques images de feuillages dorés ou rougeoyants, dument retravaillés avec snapseed, pour exalter les couleurs. Elle observa l’infinie patience des vaches qui la remplit de sérénité. Elle mangea des châtaignes, des courges et des noix fraîches, des topinambours et des panais, apprit à faire la choucroute et bien d’autres légumes fermentés.

C’est alors que Martial réapparut, enchanté de ce retour à la vie saine qui pouvait incontestablement faire le buzz. Il avait décroché un partenariat avec Hydroxydase et démarchait plusieurs maisons d’édition de livres de cuisine et de vêtements de sport. Il suggéra un partenariat avec Émilie pour lancer une activité plus orientée psy, méditation et pleine conscience. Émilie fut enthousiaste et Eugénie se laissa convaincre en percevant un lien entre ce projet à son idée initiale de se lancer dans l’art-thérapie, mais cette fois à grande échelle. Ils appelèrent leur nouvelle chaine « Mon pays »

Ils firent déménager la maman et le beau père, gardèrent le chien et inscrivirent Agathe à l’école primaire de St Cyr-le-Châtoux. Elle rentrait en CP et ne pouvait plus se permettre de manquer l’école. L'école ne comptait que 11 élèves toutes classes confondues et Agathe y serait bien. Avec le hashtag #monpays et quelques autres bien choisis, les abonnés affluèrent et se bousculèrent pour demander des cures de remise en forme. On trouva un local peu coûteux et l’activité fut lancée. Trois emplois à temps partiel furent créés avec la bénédiction de la mairie qui subventionna la mise aux normes du local.

Tout aurait été parfait si un groupe de collapsologues de St Cyr-le-Châtoux, convaincus de la proximité du grand effondrement, n’avait pas lancé une importante campagne de dénigrement conjointement avec une liste indépendante pour les élections municipales.

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