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  • Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Annie Ernaux, une épine dans mon couple


Dés qu'Annie Ernaux a obtenu le prix Nobel, mon mari a trouvé bon de publier un texte sur l'auteure. Je n'ai pas aimé qu'il se joigne en plus mésuré au concert de critiques violentes (et de droite) s'abattant sur une femme prix Nobel de littérature. Qui a parlé en ces termes de Louise Glück, Elfriede Jelinek, Alice Munro, Tony Morrisson ou Svetlana Alexievitch ? Peut-être parce que personne ne les lit ? Pour une fois une femme, et facile à lire et les critiques se vengent. Comme ils se vengent aujourd'hui sur Brigitte Giraud (prix Goncourt) ou Claudie Huntziger (prix Femina) et bientôt Emmanuelle Bayamak-Tam (qui vient d'avoir le prix Médicis)


Pourtant notre désaccord de couple ne date pas du prix Nobel attribué à Annie Ernaux, il est plus ancien. Les livres d'Annie Ernaux que je préfère ( Passion simple, "Je ne suis pas sortie de ma nuit...") sont ceux que mon mari n'aime pas. Aux livres qui l'ont le plus touché (Les années, Mémoire de fille) il reproche la distance, l'emploi de la troisième personne tout en se présenatant comme autobiographiques. Moi, ils ne m'ont tout simplement bien moins parlé que le Je me souviens de Perec ou le Mythologies de Barthes. L' Annie Ernaux qui me plaît, c'est celle qui dit "je" au plus proche de son expérience vécue, une expérience de femme telle qu'elle l'a vécue.

Bien sûr son expérience de femme n'est pas celle de toutes les femmes, ni même de toutes les femmes de sa génération. Nous n'avons qu'une dizaine d'années de différence et les récits de sa jeunesse me font penser à l'expérience de ma mère, bien plus qu'à la mienne. Il ne faut pas oublier que dans ces dix ans, il y a eu la légalisation de la pillule et de l'avortement et que cela a totalement changé la vie des femmes (comme leur interdiction signifierait un retour en arrière terrible).

Annie Ernaux, transfuge de classe et militante, j'ai du mal à ressentir sa honte de classe ou bien je lui en veux d'avoir mis si longtemps à pardonner à ses parents ce qu'ils étaient. De rester encore dans cette posture de reproche sans relativiser sa situation et de ne militer que pour elle-même comme de prendre de la distance sans faire la paix.

J'aime l'Annie Ernaux dans son témoignage de femme libre du 20eme siècle. J'aime son écriture simple et directe qui la rend accessible à toutes et à tous. Un rien franchouillarde et tournée vers le passé et bien peu touchée par le monde qui vient, sans doute. J'aurais préféré que le prix Nobel soit décerné à Maryse Condé qui embrasse autrement le monde, mais je ne suis pas au jury.


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