A Lissieu, si vous allez dans le jardin public autour de l'église où se tenait autrefois l'ancien cimetière, on vous dira peut-être que la tombe de la soeur du saint curé d'Ars qui vivait à Bois Dieu se trouve là.
Malgré des démentis déjà anciens, la légende subsiste. Et la tombe qui subsiste adossée au mur nord n'est pas la tombe de Marguerite Vianey*, soeur du saint curé d'Ars.
Là commence ma longue enquête en quatre étapes.
1—déchiffrer la pierre tombale qui subsiste adossée au mur nord du cimetière. Exceptionnellement bavarde, cette tombe se révèle pleine d'informations. Elle porte, presque effacés, les noms suivants et les mentions suivantes sur deux colonnes :
(première colonne)
Françoise Pommeruel femme Duchamp décédée le 14 mai 1854 à l'âge de 40 ans
Marguerite Nachury femme Duchamp décédée le 21 novembre 1855 à l'âge de 77 ans
Marie Antoinette Duchamp 1856 décédée le 15 octobre 1856 à l'âge de 11 ans
Jean Marie Briard décédé le 26 septembre 1869 à l'âge de 4ans
O enfant
tu laisses tes parents sans consolation
Mais du haut.......................................
C'est ce qui fait..................................
Mais les .............................................
.....
De tes parents ne .............................
............................................les coeurs
(deuxième colonne)
Jean Claude Duchamp décédé le 6 mars 1875 à l'âge de 67 ans
Sœur Saint-thomas née Jeanne Charles décédée le 26 juillet 1883 âgée de 64 ans.
a Lissieu où elle était supérieure
elle emporte les regrets de la commune où elle a passé
en faisant le bien
Philibert Briard(1836-1911) était maire de Lissieu à l'époque; cette tombe est celle de sa belle-famille (grand-mère, parents et soeur de sa femme) et de son fils. Y accueillir la soeur Saint-Thomas apparaît comme un acte politique : trouver une solution opportune au moment du transfert du cimetière en 1883, permettre à cette religieuse d'être enterrée près de l'église alors que sa communauté avait fait le choix de la ranger auprès de la république en tant qu'institutrice communale et marquer la reconnaissance de la commune de Lissieu.
Le texte, malheureusement illissible, consacré aux enfants est assez exceptionnel pour cette époque et ce cimetière, mais assurément cette tombe n'est pas celle de Marguerite Vianey.
Philibert Briard et son épouse Jeanne Duchamp reposent au cimetière créé en 1883 : famille Briard-Bunand
2— consulter les autres recherches
Les enfants des écoles de Lissieu en 1942-1943 ont décrit la tombe de la sœur du saint curé d’Ars comme adossée au mur nord, surmontée d’une croix et d’un cœur avec pour épitaphe:
« ci-git Marguerite Vianney, veuve Gerin décédée le 8 avril 1877 âgée de 91 ans, regrettée de toute sa famille. Priez pour elle ».
On trouve bien dans le registre des décès de Lissieu à l’année 1891 la mention de Marguerite Vianey née en 1787 à Dardilly, fille de Mathieu Vianey et Marie Beluze, morte en 1877 à 91 ans, veuve de Laurent Gerin. Elle était bien la sœur de Jean Marie Baptiste Vianney (1786-1859). Elle avait épousé en 1811 à Dardilly un certain Laurent Gerin né aux Chères mais demeurant à Lissieu lors de son mariage.
Il n’y a plus de croix et l’écrit des enfants « si Lissieu m’était conté par les enfants » est introuvable
Laurence Vellar dans les années 1990 a fait des recherches sur les tombes de l’ancien cimetière de Lissieu et pris la photo d’une pierre tombale en marbre blanc (déjà cassée à l’époque et disparue depuis) elle aussi apposée sur le mur nord sur laquelle apparaissait la fin du patronyme Vianney
ANNEY femme MAGNINY (1792-1854)
MAGNINY 1789-1855
MAGNINY 1850
illisible
Elle conclut que cette pierre tombale n’est pas celle de Marguerite Vianey sœur du saint curé d’Ars. Pourtant cette trace du patronyme Vianney a peut-être conforté la légende.
3- Faire ma propre recherche dans les registres de Lissieu
qui m' apprennent qu’Anne Vianney (1792-1854) fille de Mathieu Antoine Vianney propriétaire à Dardilly et Marguerite Fayolle épouse en 1813 à Dardilly François Magniny, fils de Jean Magniny et Claudine Marcel de Chasselay. Il est voiturier de Chasselay et sera plus tard aubergiste au logis de Montfort . Son fils Julien épousera Catherine Morateur en 1852 à St Didier au Mont-d’or, fille d’un maître tailleur de pierre (Antoine morateur) et cousine germaine de Julien (sa mère Antoinette Vianney était la sœur d’Anne Vianney). Julien qui prend la suite de François à Montfort est incontestablement une forte personnalité et un gros propriétaire. Le recensement indique toujours 3 ou 4 domestiques aux côtés du couple et de son unique fille Antoinette qui épousera Jean-Marie Duchamp, lequel ne pendra la suite de son beau-père qu'à sa mort en 1908 à 82 ans.
Auparavant en 1894, à la mort de son frère cadet Jean et de son frère et de sa sœur ainés François et Claudine, morts en 1896 et 1898, Julien Magniny se préoccupe d’une concession perpétuelle et propose à la municipalité un don de 6000 F qui sera refusé compte tenu des exigences dont il était assorti. Il fera construire un mausolée de marbre blanc dans le nouveau cimetière de Lissieu qui n’est pas sans rappeler la pierre tombale de Stéphane Guyot.
Toute la fratrie y figurera ainsi que la famille de son gendre Jean Marie Duchamp, mais pas les parents Magniny Franois et Anne dont la pierre tombale fragmentée n’est même plus dans le parc public qui a remplacé l’ancien cimetière.Le petit fils de Julien Magniny, Juilien Jean Duchamp, bien qu'établi à Quincieux comme pépiniériste après la première guerre mondiale et mort en 1964, est mentionné sur la tombe Magniny du cimetière de Lissieu créé en 1883.
4- Savoir qui étaient Marguerite Vianey et Anne Vianney
Ayant fait le point sur l’absence de la tombe de la sœur du saint curé d’Ars dans le clos de l’ancien cimetière, j’ai voulu en savoir plus sur la vie de cette femme qui marque l’histoire de Lissieu.Marguerite Vianey (1787-1877) épouse de Laurent Gerin était contemporaine d’Anne Vianney (1792-1854) épouse de François Magniny. Toutes les deux étaient nées à Dardilly dans des familles sans doute parentes dans la grande tribu Vianay de Dardilly (dont descendent aussi les vianay de la Buchette) et toutes les deux savaient signer à leur mariage en 1811 et 1813. Mais leurs vies ont été bien différentes.
Marguerite épouse Gerin après son mariage à Dardilly en 1811(acte ci-contre) s’installe à Lissieu et y a sa première fille Guillaumette en 1812 dans la maison de la veuve Reverdy au Bois Dieu. Laurent son mari est alors dit fermier de la veuve Reverdy et de Jean Baptiste Chaffange. Leur deuxième fille Marguerite Louise nait en 1819 à Écully où Laurent est dit propriétaire. En 1831 lors du mariage de Marguerite Louise, ils sont toujours à Écully, mais en 1836 c’est à Saint-Rambert L’ile barbe que le couple Gerin-Vianey est recensé. En 1845 Laurent Gérin meurt à l’hôtel-Dieu de Lyon, il est dit jardinier chez Levy chemin de Francheville à Lyon; ce sont des employés de l’hôtel-Dieu qui déclarent son décès, on perd Marguerite Vianey de vue. Il faut attendre 1861 pour la retrouver au bois Dieu dans la famille de sa fille Marguerite, puis chez ses petits enfants avec sa fille devenue veuve. Une vie difficile pour Marguerite Vianey comme il en existait tant à l'époque.
Anne Vianey épouse Magniny n’a plus quitté Montfort après son mariage en 1813 avec François. Elle a eu avec lui quatre enfants: François, Claudine , Julien et Jean. On sait que Jean s’est marié à Lyon et a eu un fils qu’on trouve étudiant en droit sur sa fiche matricule en 1878. De François et de Claudine, on ne sait rien si ce n’est qu’ils n’ont plus été recensés à Montfort quand Julien a pris la suite de leur père François. Anne, bien qu'épouse d'un des plus gros propriétaires de Lissieu, adjoint des maires Gabriel Perrin et Amédée Chavanis de 1874 à 1878, est morte bien plus jeune que Marguerite, à 62 ans.
5— Souvent ainsi vont les recherches historiques :
– une information incomplète, presqu’une légende ;
– des recherches anciennes qui l’ont partiellement infirmée ;
– le déchiffrage d’inscriptions effacées
- les recherches aux archives de l’état civil ou des recensements
- des découvertes inattendues
– l’acceptation de ce que l’on ne saura jamais parce que plus aucune trace ne subsiste...
Tout cela constitue une véritable enquête tout à fait passionnante.
Lissieu n'a ni tombe de la soeur du saint curé d'Ars, ni rueau nom du saint curé (alors que Chazay en a une) , mais Dardilly n'est pas loin et vous pouvez y visiter la maison natale du saint curé d'Ars et connaître son histoire passionnante.
* Le patronyme Vianey connaît de très nombreuses graphies différentes, y compris pour la même personne dans les actes d'état civil : vianey, vianney, vianay, viannay (y compris vainey dans la signature de Marguerite ...qui était peut-être un peu dysgraphique)
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