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  • Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Lissieu et son curé sous la révolution, puis le concordat


transcription intégrale dans le texte de l'article
serment du curé Truchard le 12 décembre 1790

Quand on fait quelques recherches généalogiques, on prend l’habitude de connaître le nom des curés de l’ancien régime qui tenaient les registres d’état civil… et de s’inquiéter de leur sort pendant la révolution. C’était le cas pour l’abbé Truchard que j’avais vu disparaître en septembre 1791. Qu’était-il devenu ? Exécuté pendant le siège de Lyon, émigré, caché dans sa famille, célébrant en secret le culte dans quelque chapelle avec les ornements de l'église que rendront quelques membres du conseil mmunicipal en 1803 ou que sais-je encore !

J’ai trouvé la solution dans les archives municipales.

Le 21 mars 1790, le curé Truchard curé de la paroisse de Lissieu en Lyonnais déclare les biens dont il dispose devenus biens nationaux :


[...]Outre 700 livres de portion congrue, le presbytère et le jardin contenant en tout une bicherée lyonnaise et onze bicherées de fonds obituaires (3 bicherées de terre, 6 bicherées 3/4 en vieilles et nouvelles vignes, 1 bicherée 3/4 de pré lesquels peuvent rendre annuellement 40 livres), auxquels s’ajoutent 2 fondations, 4 pensions et 2 rentes annuelles, soit 26 livres 27 sols. Je ne connais d’autres biens immeubles qu’une vieille cuve qui peut valoir 24 livres.[...]


Ces biens sont vendus aux enchères à Lyon le 21 avril 1791 sous l’œil de deux commissaires nommés par la municipalité de Lissieu; ils seront achetés par trois propriétaires lissilois (Louis Philipon, Pierre Murat et le sieur Brossette) pour la somme totale de 6200 Livres.


Le 12 décembre 1790, le curé Truchard, curé de Lissieu depuis 1772, prononce le serment sous une forme toute personnelle (courageuse et très touchante)1 :


Serment de Monsieur le Curé prêté devant l’église le 12 décembre 1790 qui a été présenté en présence de la commune soussigné : Je me présente à vous messieurs comme ministre de Jesus Christ, comme pasteur, comme citoyen et enfant de la patrie.Comme ministre de Jesus Chris, je déclare que , moyennant sa grâce, je veux demeurer attaché à la religion catholique et que je suis résolu de tout sacrifier et la vie même pour la défense de toutes ses ouailles.Comme pasteur je proteste que je veillerai autant que je pourrai avec soin au salut des fidèles que la divine providence m’a confié, que je tacherai toujours de remplir à leur égard tous les devoirs de mon ministère, que s’il m’en était fait quelque défense humaine, je devrais me dire et me conduire comme les apotres qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes.Me souvenant aussi que la religion catholique recommande souvent l’obéissance aux puissances, reconnaissant que l’Assemblée nationale a une véritable puissance de faire une nouvelle constitution, comme citoyen je jure d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi… de me conformer à la constitution du clergé décrétée par l’Assemblée nationale acceptée par le roi et de maintenir *de tout mon pouvoir tous les décrets acceptés par le roi
* par le terme maintenir j’ai entendu suivre observer fidèlement les décrets de l’assemblée acceptés par le Roi
Truchard curé de Lissieu, Ferlat maire, Murat officier, Privat notable, Voisin procureur de la commune, Salignat notable, Rivoire notable, Ferlat officier, Boni secrétaire et assesseur


Cela ne suffira pas à sauver le curé Truchard ; il sera remplacé par le curé Poncet dès le mois d’octobre 1791, bien avant le transfert à l’officier public de la charge de la tenue des registres d’état civil, bien avant le durcissement de la révolution, l’exécution de Louis XVI, le gouvernement révolutionnaire, le siège de Lyon…

Mais il ne lui arriva rien de fâcheux.Dès la chute de la convention2, le citoyen Antoine Truchard réapparaît, dès le 18 fructidor an 3 (la constitution thermidorienne date du 5 fructidor an 3[22 août 1795]


Ce jourd'huy 18 fructidor an 3 a comparu devant nous le citoyen Antoine Truchard pour faire la soumission suivante :
Je soussigné Antoine Truchard prêtre catholique insermenté qui ne suis jamais sorti de France déclare que je veux exercer mon culte connu sous le nom de religion catholique apostolique et romaine sans aucune altération ni dans ses dogmes , ni dans sa morale, ni dans sa discipline, ni dans sa hiérarchie comme en mille sept cent quatre-vingt-neuf vieux style, persistant à regarder comme séparés de ma communion tous les prêtres qui ont adopté la ci-devant constitution du clergé, moyennant quoi je vis soumis aux lois purement civiles de la république
Antoine Truchard


La réaction de la municipalité de Lissieu ne se fait pas attendre. Le 22 fructidor an 3, elle somme le citoyen Poncet "qui n’est d’aucune utilité à la commune" de quitter la cure qu’il occupe sans payer de loyer et dont la commune a besoin comme maison commune, d’y faire les réparations et d’en remettre les clés sous les huit jours :

[…]Arrêtons que le citoyen Poncet est tenu de débarrasser la maison commune ci-devant cure,a u plus tard dans un délai de huit jours à compter de ce jour arrêtons en outre qu’il devra faire les réparations qu’il y a à faire dans la maison commune en sorte qu’elle soit dans le même état qu’elle était quand il y est entré[…]


Le curé Truchard meurt en 1800 à Souternon village de la Loire où il était né dans une famille de tisserand après avoir sans doute récupéré son ministère et son logement.

Arrêtons-nous pourtant sur le personnage curé de Lissieu à partir de 1772. Il y a élevé ses neveux Louise et Jean Vernay, après la mort de leurs parents, sa sœur Benoite Truchard et son mari Jean Marie Vernay. Louise Vernay a épousé Étienne Rivoire qui est depuis 1790 au conseil général de la commune et y restera jusqu’à sa mort en 1838, y occupant toutes les fonctions y compris celle de maire. Jean Vernay, lui aussi longtemps membre des premiers conseils municipaux, est à l’origine d’une très nombreuse descendance sur Lissieu.


L’histoire cependant ne s’arrête pas là : après la mort d'Antoine Truchard, Lissieu a besoin d’un curé , d’une cure et d’une maison commune et il y a bien des questions à régler sous le nouveau régime du concordat signé en 1801 qui met les prêtres sous la responsabilité des maires, mais leur accorde une rémunération versée par l’État. Une série de décisions en découle :

  • Le 18 frimaire an 11 [9 décembre 1802] le conseil municipal se préoccupe du prêtre desservant, de sa rétribution, de l’église qui n’a pas été aliénée, de la cure et du jardin qui ont été vendus au citoyen Jean-Marie Mignard et dans lesquels des réparations s’imposent ;

  • Le 6 mars 1803, on nomme deux luminiers et on rend certains linges de l’église : voiles de calice, nappe d’autel

  • le 24 janvier 1804 le conseil municipal décide du salaire 600 F et du loyer et du fermage du jardin 150F du prêtre desservant , il faut pourvoir au remplacement du prêtre desservant qui vient de mourir : François Chabout remplaçant de Truchard meurt à Lissieu en 1804.Les réparations de l'église sont évaluées à 300 F.

  • le 17 juillet 1804, on trouve un nouveau prêtre Jean Baptiste Rimbourg

  • En 1807 la commune achète la maison du curé et le jardin pour 3600 F

  • le 8 mai 1818, il est t décidé d’aliéner deux terrains communaux dont on n’a aucune utilité pour en faire un presbytère et une maison commune dont la commune est dépourvue.


Mais désormais, c’est le prêtre qui fait défaut et les Lissilois doivent se rendre à Marcilly.


  • Le 13 aout 1821,3 les Lissilois ne veulent pas se rendre à Marcilly pour exercer leur devoir de religion, les vieillards ne peuvent pas s’y rendre et l’instruction des enfants est négligée. Il y a nécessité de transformer l’église en chapelle vicariale, celui la desservant recevant 400 F en plus du salaire de l’état.


[...]le conseil municipal de la commune et les dix citoyens les plus imposés de la commune convoqués à cet effet par le maire prend l’engagement de fournir au vicaire desservant leur église un traitement annuel de 400F outre celui qui sera accordé par le gouvernement et de lui fournir aussi un logement avec un jardin contigu et d’entretenir en bon état l’église, les ornements nécessaires au culte et les vases sacrés[...]


  • le 3 juillet 1822, le même vœu est renouvelé

  • le 20 juin 1823, on trouve enfin un prêtre Jean François Quiblier qui est installé dans ses fonctions de prêtre desservant de la chapelle vicariale de Lissieu

  • Le 15 juin 1824, le maire, les conseillers municipaux et neuf des plus imposés de la commune profitent de leur réunion pour témoigner leur gratitude à Jean Marie Guyotet on remercie monsieur Guyot pour avoir fait cadeau à l’église d’un dais et d’une bannière et d’avoir avancé sur ses propres deniers pour les réparations urgentes de l’église.


[...]et par cette conduite honorable qui nous a mis dans le cas de jouir plus tôt de l'exercice de notre culte nous avons désiré que nos témoignages de reconnaissance fuseent inscrits sur le registre des délibérations de notre commune pour être toujours sous les yeux de nos survivants[...]


Jean Marie Guyot meurt en 1825 à Lyon4. Son fils Stéphane (1802-1826) sera maire de Lissieu et sa fille Marie Louise (1795-1833) , épouse Durozier fera don d'une chapelle à l'église de Lissieu. Mais c'est un autre histoire et l'église, le presbytère et la cure n'ont pas fini de préoccuper le conseil municipal de Lissieu par la suite.


1Les révolutionnaires ont prescrit pas moins de 12 formes de serment tout au long de la Révolution http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2013/04/05/26844725.html

2La Convention cède la place au Directoire. La Convention nationale est à la fois le régime politique français et le Parlement qui gouverne la France du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795 lors de la Révolution française. Elle succède à l’Assemblée législative et fonde la Première République.

3les chapelles vicariales solution temporaire à la reconfiguration des paroisses https://books.openedition.org/editionsulm/8075?lang=fr&nomobile=1

4jean Alexis Guyot (1728-1798) propriétaire du château de la Roue et son fils Jean Marie (1756-1825) avaient vu leur château temporairement mis sous scellés au début de la révolution

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