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  • Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Que nous apprend l'atlas de Trudaine sur Lissieu ?


assemblage des deux feuilles de l'atlas de Trudaine concernant Lissieu

L'atlas de Trudaine*

L'atlas de Trudaine, ensemble de cartes réalisées entre 1745 et 1780 par l'administration des Ponts et Chaussées à la demande de Louis XV est un outil de gouvernement. Il s'agît de connaître l'ensemble des routes du royaume (du ressort du pouvoir royal), prévoir leur entretien et leur amélioration en rectifiant si besoin leur tracé ou en édifiant les ouvrages d'art nécessaires, dimensionnant le coût des travaux pour permettre de distribuer les corvées incombant aux habitants des communes limitrophes.


Comparé aux cartes de Cassini initiées à la même époque (échelle 1/1750 000) qui couvrent toute le France, l'atlas de Trudaine est beaucoup plus précis (échelle 1/8640) mais très partiel, limité aux routes royales et à leurs abords. Pour Illustration, voici grossièrement délimitée la commune de Lissieu sur la carte de Cassini :


approximative délimitation de la commune de Lissieu sur la carte de Cassini

Mais revenons à ce que nous apprend l'atlas de Trudaine pour Lissieu.


Sur les 8 cartes relatives à la route de Paris à Lyon par la Bourgogne, l'atlas de Trudaine comporte deux feuilles correspondant à la commune de Lissieu, celle allant de Billy-le-Jeune et le moulin de La Tibaudièrre, passant par Les Chères et allant à hauteur de Montfort près du chemin venant de Chazay à Marsilly, et celle de bien en deça du bois d'Ars passant par Limonest et allant bien au-delà à hauteur du vieux château St André .

Cet atlas ne comporte pas de feuille figurant le chemin de Chazay à Marsilly qui démarre près de Montfort qui apparaît sur la carte de Cassini.


La rectification de la route, en ligne droite

Les travaux conduits à Lissieu dans le cadre de cette grande entreprise de travaux publics semblent se limiter à la suppression d'un chemin entre le croisement de la route allant à Chasselay et Montfort, l'antique chemin des courriers. Suppression dont on retrouve la trace dans les prétentions du maire de Chasselay quant aux limites de sa commune par rapport à celle de Lissieu en 1824 lors de l'établissement du cadastre. Traces qui ont aussi été retrouvées lors de la construction de la caserne des pompiers beaucoup plus récemment.


Le maire de Lissieu (Jean Duchamp maire de 1821à1826) défend l'idée d'une limite naturelle formée par la route royale, quand le maire de Chasselay voudrait s'appuyer sur un tracé qui fait mention d'une ancienne route, "les traces qui ne paraissent plus que de distance en distance de l'ancienne route". Le maire de Lissieu aura gain de cause contre le maire de Chasselay, ridiculisant même ses prétentions qui ne sont guidées que "par la peur de voir diminuer son impôt et perdre quelques centimes additionnels"**.


agrandissement atlas de Trudaine entre Montluzin et Montfort
procès verbal de délimitation des communes 1824, limite jaune demandée par Chasselay, limite rouge demandée par Lissieu

Autres informations tirées de l'atlas de Trudaine comparé au procès verbal de délimitation des communes***


La disparition de l'hermitage

l'hermitage Notre dame des combes créé en 1704, encore présent en 1751, a disparu avec la mort du dernier ermite en 1803. les Lissilois se sont partagés ses maigres propriétés. Il apparaissait sur la carte de Cassini comme sur l'atlas de Trudaine, il est absent sur les feuilles du cadastre.


Le nouveau tracé des chemins

la rectification du tracé pour obtenir la belle ligne droite affectionnée par les ponts et Chaussées, l'achèvement de l'empièrement comme l'accroissement des échanges contribuent sans doute à modifier les flux. D'autres chemins se dessinent qui remplacent les anciens.

On constate dès 1824 que le chemin de Chazay à Marcilly qui démarrait à Montfort (figuré sur la carte de Cassini et signalé sur l'atlas de Turaine) s'est déplacé plus au nord pour devenir un chemin de grande communication entre Chazay à Neuville, dit chemin de Vimy. Trois autres chemins assurent la communication de chazay à Marcilly et la grande route (actuel chemin de montluzin ?), de la grande route à Lissieu(actuel chemin de la Buchette ?), de la grande route à la clôtre (actuel chemin de Chamagnieu ?)


Le déplacement des auberges

Conséquence sans doute de la modification des flux, les haltes au bord de la route évoluent elles-aussi.

En 1763, Alexandre Ferlat est dit aubergiste à Montfort, il sera de 1792 à 1804 maire de Lissieu. Ensuite l'auberge semble s'être déplacée à la Préférence où en 1793 les possessions d'Etienne Dupré sont mises sous scellés (20ha pour lesquels son fermier Joseph Sirand aubergiste paye 800 livres de fermage); Montfort abritant désormais forgerons et charrons. En 1824, on voit sur le cadastre que Philibert Tavernier a construit une nouvelle maison qui n'existait pas en 1751. Sa nièce Claudine Tavernier y tiendra auberge avec son mari Pierre Burnier de 1836 à 1856... avant de disparaître en tant qu'auberge avec l'ouverture de la nouvelle nationale 6 en 1848. Cette auberge qui sera réouverte très temporairement par Mitton en 1865-1866 en porte encore le nom d'auberge Mitton sur un crépi qui se délite.


Auberge Mitton cliché Google Maps


Tout ce qu'on continue d' ignorer


Quelle importance des travaux sur la route de Paris à Lyon par la Bourgogne et qui les a faits ?

Le système des corvées****, les révoltes et les emprisonnements comme les exemptions auxquelles il a donné lieu, ses modifications au fil du temps sont relativement bien connues en Lyonnais où opèrent Jean François Lallié ingénieur des ponts et chaussées du Lyonnais et M. de Flesselles intendant de Lyon. Pour autant, il n'est pas facile d'en connaître l'exacte ampleur ni la participation à laquelle furent contraints les Lissilois. Ainsi conclut l’Abbé L.Chatelard dans « La corvée royale dans le Lyonnais (1720-1789) », Revue d’histoire de Lyon, mai-juin 1908 .

Pour la partie qui concerne Lissieu sur la route royale de Paris à Lyon par la Bourgogne, la chronologie suivante semble être attestée :

1740 : élargissement du pont d'Anse sur l'Azergues datant de 1471

De 1749 à 1751: construction entre Villefranche et Anse et entre Limonest et le haut de la montée de Balmont

De 1750 à 1760 : construction de Belleville à St Georges

De 1764 à 1784 : rectification en ligne droite d'Anse à Les Chères

De 1785 à 1787: construction entre Montluzin et Limonest


La montée de Limonest reste problématique

Les quelques 13km entre le début de la montée de Limonest et le Puy d'or ne sont toujours pas achevés.

Des correspondances des maîtres de poste à Lallié ou de Flesselles en 1763, 1771 et 1782 continuent à souligner la difficulté de la montée qui commence à la sortie des Chères pour s'achever à Limonest...et la suggestion commence à s'esquisser d'un évitement de cette pente des Monts d'or...par la vallée de la Saône.

Il faudra encore une soixantaine d'années pour que la solution soit trouvée par les vallons du Grévy et Lissieu et l'ouverture de la nationale 6 par Lissieu en 1848.

Ci-dessous, exemple d'une plainte des maîres de poste communiquée par B. Massoud (archives départementales du Rhône)



Paris le 1er janvier 1782 M.de Flesselles à M. Lallié

[...] Depuis près de douze ans on a ouvert une nouvelle grande route de Chères à Anse et de Villefranche à St Georges, on n'a ni achevé la nouvelle route, ni entretenu l'ancienne, de sorte que il y a des parties de chemin qui sont absolument impraticables. Ils (les maîtres de postes de Lyon à Macon) demandent que l'on veuille bien donner des ordres pour faire réparer cette route qui est dégradée au point que les voituriers l'ont abandonnée et suivent celle de Bourg pour se rendre de Lyon à Macon. M l'Archevèque de Toulouse et M. L'Evèque de Rhodes attestent la vérité du contenu de ce mémoire [...]


Où était la voie romaine ?

Qui s'intéresse aux routes ne peut s'empếcher de se demander où passaient les voies romaines.

Suivait-elle le tracé figuré sur la carte de Cassini passant à Plambeau,obliquant depuis Montfort vers Marcilly puis vers Anse traversant l'Azergues à gué pour suivre la côte à l'abri des crues de l'Azergues ?

Traversait-elle la clôtre, comme certains le disent, pour passer ensuite devant le château de Lissieu et continuer vers Marcilly ?

Force est de constater qu'on n'en sait rien et que cela ne préoccupait nullement Trudaine !


Notes

* L'atlas de Trudaine - pouvoirs, cartes et savoirs techniques au siècle des Lumières - Stéphane Blond 2014 éditions du comité des travaux historiques et scientifiques.

L'atlas comporte 65 volumes de planches dessinées de 86x60 cm. Des éditions plus maniables existaient comme celle conservée à la Bibliothèque municipale de Lyon dédié à M. de Flesselles.


**"il est vraiment ridicule de proposer, si près d'une grande route, une limite si peu régulière, si peu convenable. La commune de Chasselay demande avec St Germain et avec Poleymieux des démarcations fixes et naturelles; et pour les trouver ne craint pas de s'avancer au-delà des limites naturelles de son territoire. Mais ici, avec Lissieux, Chasselay croyant diminuer un peu de son impôt et perdre quelques centimes additionnels, en prenant la grande route pour limite, ne veut plus de ces démarcations fixes et naturelles, qui, selon elle, ne sont pas toujours convenables."


*** Procès verbal de délimitation du territoire de la commune de Lissieu consultable en ligne . Il comporte des schémas et des argumentaires contradictoires écrits. La lecture en est très réjouissante. Lissieu aura aussi fort à faire avec Marcilly et les maires argumenteront autour de l'endroit où l'on payait la dime avant la révolution !


**** Le système des corvées supprimée à la révolution fera sa réapparition au 19eme siècle sans dire son nom. L'ampleur de la tâche d'entretien des voies de communication et son coût considérable conduiront les communes à voter des nombres de journées de travail à fournir par les habitants.

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