Suite à ma nouvelle en 7 épisodes "Eugénie crée son emploi", j'ai ressenti le besoin de faire un résumé des heures passées à regarder youtube, instagram et tous ces gens qui promettent de changer votre vie en créant votre entreprise sur internet ou de se faire de l'argent en ne faisant presque rien. C'est une sorte de postface à ma nouvelle.
Youtubeur et instagrameur, même combat pour l'influence
En mai dernier, j'avais découvert les youtubeurs vedette sur internet et je m'étais extasiée de voir qu'ils retenaient leur audience, lui servait de canal d'information privilégiée, l'incitait à consommer et accessoirement vivaient de cette activité. J'étais loin de tout cela, moi qui en étais restée au blogging apparu dans les années 90 comme uniques informateurs non institutionnels.
Aujourd'hui, j'ai fait un pas de plus en rencontrant les instagrameurs.
L'instragrameur n'est pas très différend du youtubeur , si ce n'est que son réseau préféré est instagram (créé en 2010, alors que youtube existe depuis 2005), son contenu beaucoup plus restreint (lifestyle, voyage, cuisine, mode, santé) et clairement orienté vente, en partenariat avec des marques qui le rémunère, comme certains youtubeurs.
Instagrameurs et youtubeurs aiment la notoriété et la revendent. Ils sont maintenant complètement intégrés au monde du marketing et leurs petites combines (achat de followers, utilisation de robots pour des faux abonnements, de faux like ou des faux commentaires, photomontage, pods : regroupements d’utilisateurs qui s’engagent à liker l’un l’autre les publications des autres membres) sont tolérées jusqu'à présent, mais surveillées par les marques.
Ils restent de petites mains fragiles et sans protection, toujours obligés de s'adapter (changement de règles de youtube ou d'instagram, désaffection des marques ou les agences mettant en relation influenceurs et marques, création de robots influenceurs comme lilmiquela, création de nouvelles applications comme 21buttons, le nouveau réseau social mode) mais certains en vivent très bien et investissent prudemment leurs gains en diversifiant leurs activités. Ils sont tous à l'affut des règles de classement de Youtube et de celles d'Instagram, comme le test en cours de suppression des like
Comment savoir à qui l'on a affaire :
Des outils existent : socialblade (gratuit) et hypeauditor (payant) fournissent les statistiques d'évolution des comptes et plus encore. Une video pour voir tout ce qu'on peut apprendre sur un compte grâce à ces outils.
l'e-commerçant pratiquant le drop-shipping ou la vente de formation
Entrons plus loin dans le monde merveilleux d'internet. L'e-commerçant pratiquant le dropshipping (et le print on demand POD pour la personnalisation des produits) est un tout autre oiseau qui ne cherche pas toujours une grande notoriété (parfois bien bien au contraire). Il vend des produits qu'il n'a pas créés et qu'il ne distribue pas mais sur lesquels il réalise une grosse marge. Des plateformes avisées lui offent (contre abonnement et % sur les ventes) ses outils de création de contenus : les plus connus shopify (créateur de boutique en ligne depuis 2005) et clickfunnels* (outil de démarchage en ligne depuis 2014), des moyens de cibler ses clients grâce aux publicités google, facebook, snapchat ou en faisant appel à des influenceurs. Cela va du produit trouvé en Chine sur Aliexpress (shopify met directement en relation le créateur de boutique avec Aliexpress) et vendu x fois plus cher qu'il ne vaut, à la formation mirifique (ou au coaching) élaborée par un illuminé dans son arrière cuisine.
Tous les arguments sont bons : Changer de vie, améliorer sa santé, gagner de l'argent, protéger l'environnement... Toutes les astuces sont bonnes : promotions fictives, épuisement des stocks annoncés, durée limitée de l'offre (toutes ces astuces marketting sont prévues dans les outils), faux commentaires positifs.
Il suffit de regarder cette vidéo de Lucas Bivert pour voir comment on monte une arnaque.
Peu d'information ni de recours face aux arnaques
Face à la croissance de e-commerce, pas étonnant que des abus existent mais difficile de ne pas se faire avoir, d'autant plus que les mises en garde sont inexistantes et la justice largement impuissante.
- un site privé pour signaler les arnaques et en apprendre beaucoup sur toutes sortes d'arnaques:
- un article du Monde très mesuré dénonçant les mirages du dropshipping
Aucun signalement des arnaques à la formation. Le youtubeur-formateur ou l'instagrameur-formateur se développe considérablement en toute liberté. Toutes sortes de formations (et de coaching et de séminaires) très chères fleurissent pourtant sur le thème de la reconversion professionnelle, de la création d'entreprise sur internet et même pour devenir millionnaire sur internet et mener une vie plus saine.
Une émission sur M6 capital les a évoquées en 2017 et j'ai trouvé quelques vidéos démontant les mécanismes d'Emmanuel Fredenrichun youtubeur -formateur, ici ou alors là, et encore là, mais il est loin d'être le seul
Les plateformes qui rémunèrent très peu votre temps ou vos talents
Enfonçons-nous encore un peu plus dans les "emplois" promis par internet et découvrons les plateformes qui vous confient des "missions" simples ou qualifiées, mais toujours très peu payées.
- Ba-click, isay, toluna, greenpanthera, clicksens : sondages rémunérés
- Moolineo : cliquer sur des emails, les lire ou visiter un site web, et dans certains cas remplir des offres d’inscription!
- Loonea : test de produits et concours
- Foule factory-wirk.io : automatisez vos tâches matérielles les plus laborieuses.Foule Factory distribue la charge de votre travail à 50 000 personnes qui mettent à disposition leur temps et leur intelligence pour réaliser vos projets (liste d'attente de 120 000 personnes).
- 5euros: vous pouvez écrire des textes, dessiner des logos, programmer une application
- Codeur: là où le site 5euros est plutôt dédié à de petites tâches, Codeur s’oriente vers la vente de services pour de gros projets informatiques (entre autres)
- Fiverr: équivalent américain de 5 euros.
- Upwork: plateforme de freelancing également dédiée à des projets (plutôt que de petites tâches de faible valeur). Plus généraliste que la plateforme Codeur.
- Textbroker.fr : qui vous paye de 0,70 à 4 centimes par mot pour écrire des textes.
- Amazon Mechanical Turk : la traduction de textes ou de fragments de textes ; la transcription, l’identification ou le classement de fichiers audio ou de vidéos ; la modération de contenus (images, textes, vidéos) pour des forums par exemple, ou des sites web ; la réalisation de sondages, de questionnaires ou d'enquêtes en ligne ; le renommage de fichiers en grandes quantités ; la réalisation de requêtes sur les moteurs de recherche ; l'écriture de textes ou la rédaction de commentaires : avis, critiques, évaluations, etc.
Là encore, très peu d'alertes sur ces bullshit-jobs
En revanche beaucoup de sites qui en font les louanges (et touchent des rémunérations pour les adhésions).
L'unique article que j'ai trouvé dénonçant les pratiques de ces sites est là, une émission de cash investigation et une toute récente de France culture sur le digital labor
En guise de conclusion : si vous êtes allés jusqu'au bout de ce texte, j'espère que vous êtes comme moi saisis de vertige et que vous avez compris que chacune de vos minutes d'attention aux réseaux sociaux et chacun de vos clics peut enrichir quelqu'un... et sûrement pas vous !
* Clickfunnels crée un "tunnel de vente" et non une boutique. On vous offre d'abord un produit gratuit qui ne sert qu'à récupérer votre e-mail, puis on vous propose des produits de plus en plus chers avec des argumentaires de plus en plus construits.