J'avais écouté Gérald Bronner et j'étais enthousiaste : quel bon vulgarisateur, plein d'anecdotes, pour expliquer combien la tentation est grande de mal utiliser notre temps d'attention disponible, de nous laisser aller aux fictions et aux jeux, de privilégier la satisfaction immédiate, d'oublier l'intérêt général ! J'ai acheté son livre et je l'ai lu.
Apocalypse cognitive est un livre plein d'anecdotes qui ne va pas beaucoup au-delà de ces mises en garde, tout en envisageant rien moins que l'extinction de notre civilisation !
Une sorte d'hygiène mentale passant par la gestion des émotions et intégrant la nécessité d'instances de régulation gouvernées par la rationalité et l'universalisme. Rien de bien nouveau, rien de bien capable de faire face au complotisme et au populisme, sauf chez ceux qui sont déjà convaincus.
L'auteur est très souriant, amusant et sympathique. Je suis pleinement d'accord avec ce qu'il propose, mais pas du tout certaine que cela suffise.
Gérald Bronner est maintenant invité par les radios et les télés et les journaux ont fait un accueil élogieux à son dernier ouvrage. Je n'entrerai pas dans les querelles épistémologiques qui opposent Bourdieusien et Boudonnien, bien rappelées par Libération dans un article de 2019 sur un précédent livre, ni sur le fait qu'il ne suffit pas d'être "transclasse" et d'avoir été un moment séduit par la religion pour connaître toutes les manières de lutter contre le complotisme, je parlerai simplement de mon ressenti et de mon expérience personnelle.
Gérald Bronner s'attarde peu en particulier sur le fait que le débat contradictoire, même entre gens de bonne volonté et de même niveau socio-culturel, est en passe de devenir impossible. Qui n'a pas vu depuis le début de la pandémie, certains de ses amis (y compris bac+5 et au-delà, et de formation scientifique) défendre des idées irrationnelles, non démontrées et dangereuses ? Qui ne s'est pas censuré sur les réseaux sociaux pour ne pas diffuser une information solide et vérifiée, mais dont il sait qu'elle déclenchera des avalanches d'opinions acerbes et lui fera perdre pas mal d'amis ?
La pandémie a été un révélateur de l’ampleur des fossés qui séparent les gens, où s’affrontent les croyances, les intérêts réels ou supposés. Je ne parle pas ici que de l'hydroxychloroquine ou du professeur Raoult, mais aussi d’Amazon et de la chaîne de valeur du livre par exemple et de bien d’autres sujets sur lesquels je me dispense comme vous de donner mon avis.
Plus grave encore me semble-t-il , l'hypothèse selon laquelle les conspirationnistes et autres négationistes de la rationalité gâcheraient leur temps de cerveau disponible en réseaux sociaux, visionnage de séries et autres jeux. C'est mal les connaître pour les plus militants d'entre eux : ils passent leur temps à s'informer pour conforter leur vision du monde et sont très au courant des efforts de l'AFIS (association française pour l'information scientifique), de la MivIludes et autre Meta de choc (qu'ils considèrent comme le diable) pour contrer leurs idées. Bien plus informés que vous et moi ! Essayez seulement d'engager la conversation avec eux : votre boite mail débordera bientôt de "preuves" que vous avez tort ! Ils se considèrent comme des soldats qui combattent le mal (qui est en vous/que vous a inoculé la société).
Il ne suffira pas de stigmatiser les réseaux sociaux, d'intimer aux GAFA de supprimer les propos haineux et de limiter les temps d'écran des enfants (et des adultes), Il nous faudra d'autres moyens, mais lesquels ?
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