Des vignes de la réserve du citoyen Guyot au conservatoire du Gamay de Franck Décrenisse
- Danièle Godard-Livet

- il y a 5 heures
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De la vigne à Lissieu, il y en avait encore un peu partout dans les années 1960 et même sur la colline de la Roue, comme on le devine sur les photos aériennes de l'époque.
Au moment de la révolution, c'était sans doute la production principale de la réserve du citoyen Guyot, le plus gros propriétaire de Lissieu.
Les Guyot, les plus gros propriétaires de Lissieu à la Révolution
Jean Alexis Guyot, négociant à Lyon et son fils Jean Marie sont les plus gros propriétaires de Lissieu, sans doute 891 bicherées soit 115ha (20% de la surface de la commune) comme annoncé dans le dernier aveu et hommage du vendeur, dernier seigneur de Lissieu Joseph Henri Lambert, gendre de Jean Alexis Guyot. Ce sont surtout eux qui possèdent les meilleurs terres comportant le plus de vignes et de terres cultivables.
En 1793 quand le comité de salut public prend le pas sur la Convention nationale élue en septembre 1792, c'est le citoyen Guyot et son fils, propriétaires du fief depuis 1791, qui se retrouvent confrontés aux mesures imposées à la municipalité et à son comité de surveillance sous le contrôle du district de Genis le patriote : mise sous scellés, inventaire, désignation de gardiateurs,requisitions, emprunt forcé, emprisonnement temporaire du fils...
La ville de Lyon révoltée contre la Convention depuis le 29 mai 1793 est menacée de destruction.Le siège de Lyon durera du 9 août au 9 novembre 1793.
Le 21 septembre 1793 les scellés sont apposés sur le château de la roue comme ils l'ont été le 2 septembre 1793 au domaine de Plambeau1 propriété de Riverieux de varax seigneur de Marcilly, civrieux, lozanne et plambost et chez le citoyen Dupré2 propriétaire du domaine de la préférence sans doute récemment acheté au propriétaire de Montluzin Morand de jouffrey3
Chez Jean Marie Guyot, c'est François Reverdy qui reçoit les envoyés du district et du conseil municipal. Il est granger de 800 bicherées et sera nommé gardiateur aux côtés d'un commissaire du district. L'inventaire complet du domaine de la roue n'est pas connu. Seul est inscrit dans la délibération municipale l'inventaire des trois pièces laissées ouvertes pour l'usage des gardiateurs et ce qu'on trouve dans les caves, la remise et la fenière, le bucher et le cuvier.
Les soixante bichets de grains disponibles seront immédiatement portés dans les greniers de la république.
3 chambres : un lit et des chaises garnies, 2 lits garnis et 2 autres sans matelas,Un lit, une commode et une table Vestibule :Une fontaine d’étain, des chaises et tables Office:Cinq douzaines d’assiette Cuisine:Une petite batterie de cuisine 2 caves: 30 ânées de vin rouge (30hl) en deux foudres et autres bareilles,13 foudres vides, 400 bouteilles vides,120 bouteilles pleines Remise et fenière: 450 qx de foin,1 bonne carriole,1 mauvais tombereau Bucher: Six moules de bois, 1800 fagots cueillis de l’année Dans un autre bâtiment côté Nord: Deux pressoirs, Six cuves, une maie de 400 gerbes d’avoine et 50 gerbes d’orge.
Les Guyot seront soumis à de multiples réquisitions de bois, de noix, de grains, de foins, d'animaux... comme les autres Lissilois à proportion de leurs richesses estimées, mais c'est surtout le sort des vignes qui est détaillé dans les délibérations du conseil municipal.
Le 4 ocobre 1793, la municipalité procède à la vente aux enchères des vins pendant par racine chez Guyot. Il s'agit de 83 bicherées de vignes gérées par les vignerons de Guyot (20 bicherée), par les deux grangés connus de Guyot : Reverdy et Basset (22 bicherées) et par d'autres lissilois (41 bicherées). La vente est largement acquise par Sirand le grangé de Dupré qui est aussi aubergiste à la préférence; pour 2835 livres
Le lendemain, les six ânées4 de vin présents dans les tonneaux chez de varax qui sont attribués au grangé Guyet pour 99 livres
Le 10 nivose an 2 (30 décembre 1793)on attribue aux enchères les parterres et jardins du citoyen guyot "après 43 criées" à Guillaume Simon pour 353 livres
Le 12 nivose an 2 (1er janvier 1794), la municipalité nomme une commission pour désigner les 26 Lissilois appelés à faire les vignes de la réserve de l'année suivante par moitié. Vingt-six noms suivent.
Le 16 ventose 2 (6 mars 1794) les Guyot sont soumis à l'emprunt forcé5 selon le calcul que maîtrise mal la municipalité qui les conduira à payer 178 livres sur 2363 livres de revenu, soit 7%
le 11 floréal an 2 (30 avril 1794) levée des scellés
"les sans culottes compsant la commission de surveillance des sequestres donne pour extrait ce qui suit : les représentant du peuple envoyés dans commune affranchie pour assurer le bonhuer du peuple et le triomphe de le république dans les départements de rhône et loireé
1- Jean Marie Guyot était à Lissieu le 29 mai 1793 jour du soulèvement de Lyon contre la convention et n'en est parti que plusieurs sjours après et a toujouirs donné des preuves de civisme
2- une attestation de civisme lui est délivrée par la municipalité approuvé par le comité révolutionnaire
3-Jean Marie Guyot n'a pas porté les armes pendant le siège de Lyon
4- le citoyen Guyot père septuagénaire et accablé de maux et d'infirmités est un bon républicain
le 5 messidor an 2 (23 juin 1794) la commune de lissieu demande l'élargissment du fils Guyot emprisonné à Lyon "victime d'une méprise ou d'une dénonciation sans fondement". Ils le disent "sans reproche, bon patriote et ami de la chose publique et rigide observateur des lois et bon républicain" et sont "convaincus de son innocence". libération du fils guyot
Les Guyot après la révolution
Jean Alexis Guyot n'est pas gentilhomme comme son gendre Lambert à qui il a acheté le domaine; il ne fait pas partie des gentilshommes ayant participé à la préparation des états généraux de 1789 et à l'élection des députés de la noblesse, contrairement à ses voisins :
Lambert son gendre, Lacour son voisin de Montluzin, Clérico de Janzé son autre voisin de Marcilly , Riverieux de Varax le seigneur de plambost, les Trollier parents des demoiselles de Bois Dieu qui tous (eux ou certains de leurs familles) subirent les condamnations qui suivirent le siège de Lyon comme près de 2000 personnes.
Décapités, fusillés, mitraillés dont les restes sont aujourd'hui à la crypte des Brotteaux alors que Jean Alexis Guyot et son fils Jean Marie ne furent pas inquiétés au-delà des tracas des sequestres et des réquisitions.
Jean Alexis Guyot meurt à Lyon en 1798 à 70 ans.
Jean Marie Guyot entre au conseil municipal de Lissieu dès la proclamation de l'empire en 1804. Il n'y a plus d'élection depuis le consultat et tous les membres du conseil sont nommés par le préfet; à Lissieu restent en place les élus de la Révolution, y compris le premier maire Alexandre Ferlat jusqu'à sa mort en 1808.
Jean Marie Guyot est anobli en 1817 comme conte héréditaire par lettres patentes de Louis XVIII. Peu avant sa mort, le 15 juin 1824, le conseil municipal de Lissieu inscrit son éloge dans une délibération :
"pour voter des remerciements à monsieur Jean Marie Guyot propriétaire dans ladite commune pour le cadeau qu'il a fait à l'église de Lissieu d'un dais et d'une bannière pour le service du culte de ladite église et le remercier en même temps pour le soin qu'il a mis dans l'administration des deniers de la commune dont il a été nommé le trésorier ayant lui même fait des avances de ses propres deniers lorsque les fonds qu'il avait entre les mains étaient insuffisants pour satisfaire aux besoins que réclamait d'urgence les réparations de l'église de Lissieu et nous a mis dans le cas par cette conduite honorable de jouir plus tôt de l'exercice de notre culte, nous avons désiré que nos témoignages de reconnaissance fussent inscrits sur le registre des délibérations de notre commune pour être toujours sous les yeux de nos survivants ainsi délibéré et arrété...."
A sa mort en 1825, il est remplacé par son fils Etienne Guyot de Lissieu. Son gendre Jean Théodore Durosier entre également au conseil municipal.
Etienne Guyot de Lissieu devient maire de Lissieu en 1826, mais meurt à 24 ans et n'assiste qu'à un conseil municipal. Il est remplacé par son beau-frère jean Théodore Durosier qui reste peu de temps maire de Lissieu.
Marie Louise Guyot épouse Durosier, meurt elle aussi très jeune en 1833 laissant son mari héritier universel. ll remplit les voeux de son épouse (construire une chapelle adjacente à l'église et accueillier les seours de St joseph pour créer un école) et entreprend le demembrement du domaine (vente à de Charrin, vente à Chaine) et intervient dans les affaires de Lissieu jusqu'à son décès en 1855, longtemps après avoir quitté Lissieu. Remarié à Henriette Sabine Riveyrieult de Chambost en 1835, il est député de la Loire de 1834 à 1837 puis de 1839 à 1848.
Le sort des grands domaines autour de Lissieu
La famille Guyot a fait partie pendant 60 ans de l'histoire de Lissieu de 1791 à 1855. Elle a inauguré cette tradition d'apport financier au budget de la commune qui sera poursuivi par les châtelains de Lissieu tout au long du 19eme siècle particulièrement pour les besoins de l'église, puis au début du 20eme siècle (sous forme de prêt à intérêt) pour les premiers équipements collectifs. Le démembrement du domaine commence dès 1838. Il n'en est pas de même des autres grands domaines voisins.
Le domaine de Janzé est toujours dans la même famille Boulard de Gatellier, parents par alliance des Clérico de Janzé et des lambert de Lissieu.
le domaine de Varax, vendu à la Révolution comme bien de rebelle et d'immigré, fut presque intégralement racheté pour n'être vendu qu'en 1898 à la famille Bourceret
le domaine de Montluzin reste propriété des Lacour de 1762 à 1868 où la dernière des demoiselles Lacour le cède à la congrégation des soeurs de la Charité
Le domaine de Bois Dieu, propriété des demoiselles Trollier à la révolution, cédé à Mme de Rocofort, racheté en presuqe totalité par les Fleurdelix reste propriété de cette famille jusqu'à la fin du 19eme siècle, puis dans la famille Neyron jusque dans les années 1970.
Le domaine de Montvallon, le plus petit, passe de mains en mains depuis sa création (Philipon, O'mahonny, Chavanis, Gayardon de Fenoyl) jusqu'à son rachat dans la deuxième moitié du 20eme siècle par la municipalité, un promotteur, un conseiller municipal...jusqu'à la destruction presque complète de son existence, y compris bois et château entre les années 2005 et 2021
Aujourd'hui tout a changé sur la colline de la roue...
L a route nationale 6 (1848), le train (1900), l'autoroute (1970) sont venus couper la colline de la roue du reste de la commune de Lissieu. La puissance publique et les propriétaires successifs du domaine ont changé les accès, laissant les terrains aux Lissilois et à l'agriculture.

Mais le cadastre garde si bien les traces des anciens usages et anciennes déllimitations que ce n'est qu'en 2019 (conseil du 7 novembre 2019) qu'une délibération du conseil municipal de Lissieu autorisa la cession de 32 m2 de l'ancien chemin de la roue parcelle B 1911 "qui ne comporte plus aucune trace de l'ancien chemin de la roue et où la désafection à la circulation est constatable dans les faits".
Mais les vignes omniprésentes à la révolution sont revenues au milieu des prés et des friches et le cadastre garde les traces des anciennes parcelles et chemins
Le cadastre napoléonien de 1825 porte mention de l'affectation des terres (vignes, jardins, prés, terres et bois taillis). Les parcelles qui abritent aujourd'hui le conservatoire du Gamay étaient déjà les vignes de la réserve de Guyot; pas toutes les vignes qui couvraient en 1824 presque l'ensemble du haut de la colline, mais une partie.

Les traces des manières de faire la vigne et les vendanges sont quant à elles bien perdues. A Bois Dieu dans les années 60, les vendanges étaient une affaire collective de voisins et de famille; elles se terminaient par un repas. En voici la trace dans un film amateur qui m'a été confié par Jean François Thibaud. Vous y reconnaîtrez peut-être des Lissilois et vous verrez Bois Dieu avant le lotissement.https://www.youtube.com/watch?v=idomwuTWUk0
Si vous êtes arrivés jusque là dans votre lecture et si vous possédez des traces de l'histoire de Lissieu, merci de me les transmettre, j'en ferai bon usage.
1a Plambeau chez Jean Claude riverieux, c'est le citoyen Guyet qui est fermier, paye 300 livres pour 650 bicherées de fond. Le propriétaire n'est jamais là. Jean Guyet qui signe d'une croix est nommé gardiateur
2chez Dupré, le propriétaire a tout enlevé. Le citoyen Sirand est fermier de 150 bicherées et paye 800 livres de loyer. Il est nommé gardiateur du domaine.
3les scellés ne seront jamais apposés chez les demoiselles Trollier propirétaires du domaine de Bois Dieu, ni chez Louise Philipon propriétaire de montvallon. À lépoque le domaine des Calles faisiat partie du fief de Lissieu et du doamine de Guyot.
4l'année de vin correspond à la charge d'un âne (environ 100 litres dans le lyonnais)
5l'emprunt forcé voté par la convention en 1793 est un impôt sur le revenu à taux progresif



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