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  • Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Denis Dailleux et Louise Brunodottir


J'aime les photos d'Eric Tabuchi et Nelly Monnier (ARN) mais j'aime aussi d'autres photographes.

C'est à Sète à Images Singulières en 2017 que j'ai vu pour la première fois les portraits de Denis Dailleux. Ils ne m'avaient pas accrochée, mais avaient laissé dans ma tête une image subliminale. J'en veux pour preuve deux portraits que j'ai faits par la suite.

revenir du jardin avec des fleurs
DGL mars 2020

pêche au crabes Port saint louis du rhône
DGL avril 2018

J'avais gardé aussi en tête les grands formats de ces tirages et c'est en très grand format (1,50m x 1m) que j'ai présenté le pêcheur de Port-Saint-Louis du Rhône en exposition.


En général, j'ai une prévention face aux portraits : images volées, goût de l'exotisme et des peaux parcheminées, intrusion dans la sphère de l'autre, voyeurisme ... ce n'est pas simple.


Ce n'est qu'en entendant une interview de Denis Dailleux * que ses portraits me sont revenus en mémoire et qu'ils ont pris leur place. L'histoire de vie de Denis Dailleux m'a touchée et persuadée de la justesse de ses clichés. Il raconte comment des rencontres improbables avec la "culture" ont permis à l'enfant issu d'un milieu rural très pauvre de devenir un photographe largement exposé et primé qui vit aujourd'hui de la vente de ses tirages. Un sociologue américain, puis ses élèves faisaient des séjours dans son village d'Anjou, martyr des guerres de Vendée et c'est chez Christian Tortu, le fleuriste parisien à la mode où il a travaillé dix ans, qu'il a rencontré les premiers photographes qui l'ont encouragé à ne pas s'inquiéter de la technique ou du matériel. En lisant Rilke, il a compris que c'est dans son enfance qu'il trouverait son premier sujet.

Les portraits de Denis Dailleux sont authentiques, ces gens simples, l'amour des potagers et la conscience de leur importance économique font partie de son histoire. Rien à voir avec le voyeurisme de certains photographes. Ils sont respectueux, comme sa série sur les martyrs égyptiens. Denis Dailleux explique aussi que cela ne le gêne pas de payer la personne qu'il photographie comme il l'a fait au Ghana (et d'ailleurs les prix montent !) : photographier, c'est prendre !


Cela me conduit à m'interroger sur ce que j'appelle une photographie juste. Une photo qui n'est pas volée, au sens où elle correspond à une vraie dimension dans l'histoire de l'auteur et pas seulement à l'appel du pittoresque et de l'ethnographique, car il y a dans l'acte photographique un vol et un viol de l'image, voire du corps de l'autre.

Mais, me direz-vous tout auteur doit-il mettre son autobiographie sur la table pour que ses photos aient du sens ? Qu'elles dépassent le thème très général que prétend traiter le photographe (l'environnement, la ruralité...) ? Je n'en sais rien.

C'est aussi la question que se pose Louise Brunodottir * (qui n'est pas portraitiste) dans une autre interview concernant l'exposition de ses pierres rougies. Elle répond partiellement mais avec profondeur qu'il faut suivre et creuser sa piste avec de l'intuition, de la recherche, des rencontres...et surtout "ne pas aller plus vite que son travail". Bel éloge d'une lenteur qui n'est pas celle du ralentissement, mais plutôt celle de la patience et de la collecte passionnée de pierres pour construire son édifice.


Denis Dailleux et Louise Brunodottir sont des gens qui doutent et qui travaillent lentement.


* ces interviews sont disponibles sur le site "Apprendre la photo" . Laurent Breillat et Thomas Hammoudi ont commencé par donner des conseils de composition et de retouche photo, ils consacrent maintenant une partie de leur exploration à la culture photographique en interviewant des auteurs.

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