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Des boites à livres à la rentrée littéraire

  • Photo du rédacteur: Danièle Godard-Livet
    Danièle Godard-Livet
  • 24 août
  • 3 min de lecture
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L'été, je fouille souvent dans les boites à livres des bourgs de village ou dans les greniers des maisons de campagne des amis. Les librairies sont rares sur les lieux de vacances, les bibliothèques municipales fermées, mais il reste les boites à livres et leurs trésors oubliés. Je choisis les plus vieux volumes qui souvent sentent le moisi et la poussière, rendant leur lecture pas toujours très agréable.

Cette année j'ai trouvé cette édition de 1932 de L'ingénue libertine. Encore attribuée à Colette Willy avec une petite annotation à l'intérieur reconnaissant l'importante contribution de Colette aux deux titres rassemblés dans le volume déjà publiés en 1905 sous le seul nom de Willy.

L'ami chez qui j'avais déniché le trésor m'a demandé si c'était érotique. Pas explicite, mais étonnament libre pour un écrit de 1905. Sacrée Colette !

Des trouvailles aussi merveilleuses, il y en a plein. Maurice Sachs* La chasse à courre, Marc Chadourne** Et Dieu créa d'abord Lilith, Claude Farrère*** Les civilisés, Louis Chadourne** Terre de Chanaan, Jean Galmot**** Quelle étrange histoire..., Maxence van der Meersch***** L'empreinte du Dieu, Léo Dartey ******* Mais l'amour....

Des auteurs qui ont eu du succès et des prix, des vies aventureuses et romanesques, qui ont beaucoup produit ou sont morts trop tôt, qui ont influencé d'autres écrivains et sont maintenant presque oubliés (pas tout à fait, tous ces textes sont consultables sur Gallica et il n'est pas difficile de lire leur histoire sur Wikipédia). Ils nous parlent d'un monde qui n'existe plus, ils en sont des témoins passionnants et engagés ; leur qualité littéraire est intacte. Ce sont mes plaisirs de lecture d'été.


Pourquoi ne sont-ils pas republiés, alors que certains de leurs contemporains le sont ? Colette (1873-1954) bien sûr, mais aussi Pierre Loti (1850-1923), aîné de Farrère ou Cendrars (1887-1961) contemporain des Chadourne.

Les possesseurs de ces volumes remisés les ont-ils lus après les avoir achetés (dans certains les pages ne sont même pas découpées) ?

N'est-ce pas un immense gâchis que tous ces livres publiés et oubliés, gâchis de talent et de papier ?

Pour l'aspirant écrivain n'est-ce pas un motif de découragement, lui qui sera édité (sauf exception) à 500 exemplaires ?

Interrogations lancinantes qui sont redoublées par l'abondance de la rentrée littéraire, entre 450 et 500 titres cette année.


Le lecteur s'interroge : lire un livre par jour pendant soixante-dix ans d’affilée ne représente qu’un total de 25 000 titres. Jamais il ne viendra à bout de l'immensité de la production littéraire.

Thomas Chatterton Williams dans un article récent du Monde cite Umberto Eco :

« Il est déraisonnable de penser qu’il faut lire tous les livres qu’on achète, comme de critiquer ceux qui achètent plus de livres qu’ils ne pourront lire, a pu dire Umberto Eco. Dans la vie, il y a des choses dont il faut toujours avoir une réserve abondante, même si l’on n’en utilise finalement qu’une partie. »


Il conclut son article en s'extasiant sur le miracle technologique qu'est le livre qui peut condenser "des années de réflexion [qui] peuvent être articulées, affinées et transmises dans un format que l’on peut absorber en quelques heures à peine". Même en période de frugalité et de pragmatisme, le livre reste une extraodinaire bonne affaire.

Et pour le gâchis, il en existe bien d'autres plus graves et mettant plus en péril la planète.

Continuons à acheter des livres, continuons à lire et à écrire, remplissons les boites à livres du futur, c'est un luxe peu coûteux et une liberté à laquelle il ne faut pas renoncer.

Ayons toujours une réserve abondante, même si on n'en utilise finalement qu'une partie.


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*L'infréquentable sulfureux Maurice Sachs (1906-1945), collabo, adepte du marché noir, juif gestapiste, abattu par un SS à sa sortie d'un camp de concentration... à qui Modiano reconnaît une dette de coeur et de mémoire

** les frères Chadourne nés à Brive, Louis (1890-1925) le secrétaire de Jean Galmot qui ne se remettra jamais d'avoir passé des heures enterré par un obus de la Première Guerre Mondiale et Marc (1895-1975) l'écrivain, le globe-trotteur, le mondain

*** Claude Farrère (1876-1957) le militaire qui a servi sous les ordres de Pierre Loti devenu écrivain, journaliste, politique à qui l'on reproche encore sa description des coloniaux la "clique coloniale" qui pour lui est "un cercle d'escrocs, de catins et de nihilistes trop civilisés".

****Jean Galmot (1879-1928) le héros de Guyane qui y meurt assassiné (peut-être empoisonné) et dont la mort provoque des émeutes à Cayenne

***** Maxence van der Meersch (1907-1951), l'humaniste sensible au sort des pauvres gens du nord qui mourra de tuberculose pour avoir préféré les médecines naturelles aux antibiotiques

****** Léo Dartey (1898-1990) qui s'appelait Henriette Stum a présidé la société des gens de lettres et combattu pour la sécurité sociale des écrivains.

1 commentaire


Invité
26 août

Oui continuons à lire, à acheter , à emprunter, à échanger des livres. Partageons nos émotions

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