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  • Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Revenir à Wuhan et lire Fang Fang


Nous savons tous que c'est à Wuhan qu'est apparue cette pneumopathie atypique que la Chine a cachée... avant de déclarer Wuhan, ville close entre 26 janvier et le 8 avril 2020 (après avoir condamné le lanceur d'alerte Li Wenliang qui a succombé le 7 février à la covid 19).

Fang Fang a écrit son journal sur Weibo pendant tout le confinement. Son site a été souvent bloqué, elle a été souvent attaquée par ceux qu'elle appelle les ultra-nationalistes, mais elle a continué.

Son succès était tel (les gens attendaient son post jusque tard avant d'aller se coucher-30 millions de personnes la suivaient dès le 2eme jour) que les autorités l'ont laissé continuer malgré les graves accusations d'irresponsabilité et d'incompétence qu'elle portait contre les administrations...qui laissaient la place à l'auto-organisation des bénévoles via Wechat pour pourvoir aux besoins essentiels de la population (nourriture et médicaments).

Aujourd'hui, elle est accusée de pactiser avec l'ennemi pour avoir vendu son manuscrit à l'étranger et elle a promis de faire don de ses droits d'auteur aux familles des soignants de Wuhan durement touchées par la pandémie.

Il faut suivre Fang Fang pour savoir ce qu'il adviendra d'elle, car Fang Fang est courageuse; et bien qu'à la retraite, comme elle le dit elle-même, elle se défendra y compris en justice.

Son histoire n'est pas commune, elle en raconte quelques faits à la fin de son journal en réponse à "un lycéen de seize ans" qui lui envoie une violente critique de ses posts :

Mon enfant, je veux encore ajouter que l'époque de mes seize ans était bien pire que la tienne. Je ne savais même pas qu'une personne avait besoin de penser par elle-même. Je faisais tout ce que mes professeurs me disaient de faire, je suivais tout ce que l'école m'inculquait, tout ce que le journal me dictait ou que la radio me demandait. J'avais onze ans quand la révolution culturelle a éclaté, vingt et un lorsqu'elle a pris fin. J 'ai grandi durant cette décennie. Je n'avais alors jamais pensé par moi-même, parce que je ne me considérais pas comme un être indépendant, je n'étais qu'une simple vis au coeur d'une machine... Alors que je travaillais comme manutentionnaire, j'ai décidé de mettre tout mon coeur pour réaliser son souhait [celui de mon père] et j'ai réussi l'examen d'entrée à l'université...et un jour j'ai su penser par moi-même.[...] Sais-tu, mon enfant, j'ai passé les dix années de cette période de réforme et d'ouverture à lutter avec moi-même. Une décennie. Je voulais purifier mon cerveau des immondices et des toxines qui y étaient comprimées. p 338-340

Jusqu'à ce livre, Fang Fang* était considérée comme une écrivaine vedette du néo-réalisme et avait pu se permettre de parler de façon critique de la réforme agraire et de la révolution culturelle. Qu'en sera-t-il demain ? Le Monde lui a consacré un bel article : l'écrivaine Fang Fang , Antigone de Wuhan

En réponse à son livre, les autorités ont lancé un concours de publication de journaux de confinement à Wuhan. Les meilleurs rejoindront les archives publiques. Le Monde conclut : " A Wuhan, après celle contre le virus, c’est la bataille des récits qui bat aujourd’hui son plein".

*Les autres livres de Fang Fang : Début fatal, Une vue splendide, Funérailles molles, Soleil du crépuscule

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