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  • Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Une écologie décoloniale (penser l'écologie depuis le monde caribéen)


J.M.W. Turner, Slavers Throwing Overboard the Dead and Dying, Typhoon Coming On (1840) held by the Museum of Fine Arts, Boston.

J'ai beaucoup aimé le livre de Malcom Ferdinand Une écologie décoloniale publié au Seuil en 2019 et prix de la fondation de l'écologie politique 2019 et je vous dis pourquoi.

  • Faire démarrer la crise écologique que nous vivons, non avec l'anthropocène, mais bien plus tôt avec la colonisation, et la penser depuis le monde caribéen me semble une très bonne idée. C'est en effet avec la première colonisation (principalement dans les Caraïbes, de Cuba aux Guyanes) que les nations européennes se sont partagé le monde et y ont créé un "hors-monde" avec des lois différentes de leur monde (codes noirs et traite négrière pendant quatre siècles; paradis fiscaux plus tard) et des modes d'utiliser ces terres et leurs richesses à leur seul profit (appropriation, déforestation et cultures d'exportation).

  • Faire la critique de l'environnementalisme de protection, de préservation, de refus du monde, de paradis terrestre préservé, d'arche de Noé qui fait fi des injustices qu'il engendre, une bonne idée aussi. Qu'il s'agisse de John Muir (le fondateur des parcs nationaux américains), de Rousseau, de Pierre Poivre (et ses jardins tropicaux) ou d'autres écologistes apolitiques.

  • Illustrer comment la tempête (la catastrophe écologique, le grand effondrement) peut servir ceux qui restent sur le pont quitte à précipiter à la mer ceux qui sont dans la cale. Malcom Ferdinand prend plusieurs exemples de la tempête de Shakespeare au tableau de Turner qui illustre la couverture du livre et rappelle comment le capitaine du ZONG vida sa cale des nègres enchaînés pour alléger son bateau et échapper au désastre (regardez bien tout le premier plan du tableau, vous y verrez les membres des noyés encore enchaînés).

  • Le livre fourmille d'exemples de l'île de Vieques (zone militaire américaine proche de Porto-Rica), au chlordécone des Antilles Françaises, en passant à la reforestation d'Haïti, et de références littéraires de Césaire à Derek Walcott ;

  • Enfin j'ai beaucoup aimé la manière dont Malcom Ferdinand accorde une large place à Thoreau, l'auteur de Walden qui ne fut pas seulement un doux rêveur au fond des bois, mais un engagé politique du côté des marrons et des antiesclavagistes... qui prônaient déjà de s'abstenir du sucre dont la production n'était possible qu'avec l'énergie motrice fournie par les esclaves.

  • Il y a enfin une dimension poétique et littéraire dans ce livre et j'aime les penseurs politiques qui savent puiser dans le grand livre du monde pour construire leur réflexion et des utopies.


Si vous êtes persuadés que la colonisation (toutes les vagues de colonisation) reste un impensé de notre monde malgré le choc des décolonisations, si vous croyez qu'il faut penser justice environnementale, et si, malgré tout, vous n'êtes pas encore convaincus de la nécessité de lire ce livre, écoutez le podcast de Rebecca Armstrong qui me l'a fait découvrir (et tous ses podcasts, elle vous séduira), c'est ici

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